30 000 morts et on perd dutemps à tester des médicaments existants depuis
1935! De polémique en polémique le temps passe et nous passons!Marialis
Le gouvernement vient d’autoriser la prescription d’hydroxychloroquine dans le cadre du
covid-19. Une première victoire pour le Pr Didier Raoult dont les propos sur ses résultats prometteurs
ont suscité l’interrogation générale. Réel traitement efficace ou faux espoir ? Retour sur la polémique
de la chloroquine.
Le ministère de la Santé a publié un décret autorisant le prescription de l’hydroxychloroquine associée au
lopinavir/ritonavir le 25 mars 2020. Ce traitement, plébiscité par le Pr Didier Raoult, Directeur de l’Institut
Méditerranée à Marseille fait débat. La communauté scientifique déplore un emballement malgré le manque
d’étude à grande échelle pour démontrer avec certitude ses effets et surtout ses risques alors que d’autres
pensent que vue l’état d’urgence il vaut mieux essayer. On décrypte toute l’histoire.
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Chloroquine et hydroxychloroquine : qu’est-ce que c’est ?
La chloroquine est connue depuis 1935. C’est un médicament soumis à prescription médicale depuis le
15 janvier 2020 et également prescrit contre le paludisme, mais aussi en traitement d’action lente contre
la polyarthrite rhumatoïde, certains lupus et la prévention des lucites, sous le nom de Nivaquine.
Depuis le début de la crise sanitaire actuelle, c’est l’un de ses dérivés, la molécule hydroxychloroquine qui
a montré des pistes prometteuses pour traiter certains patients atteints par le Covid-19. Ce médicament
est commercialisé sous le nom de Plaquenil en France, il est aussi prescrit contre la polyarthrite
rhumatoïde, le lupus et contre les lucites.
L'hydroxychloroquine, un traitement efficace contre le
coronavirus?
Face à un virus inconnu et en l’absence de vaccin et de traitement spécifiques, une des stratégies
thérapeutiques consiste à regarder parmi les médicaments déjà disponibles et cliniquement testés, si l’un
d’entre eux est efficace. Leurs balances bénéfices/risques et leurs effets secondaires ayant déjà été
étudiés (sans toutefois permettre l’impasse sur les tests de sécurité), cela pourrait accélérer la
recherche. Parmi ceux-là : l’hydroxychloroquine.
Si cette dernière s’est vite démarquée c’est grâce à la publication d’une vidéo : une conférence donnée
par Professeur Didier Raoult, directeur de l’Institut Méditerranée Infection à Marseille en le 25 février
2020. Le spécialiste cite l’étude de scientifiques chinois dans la revue BioScience Trend 1 qui se basent sur
d’autres études menées dans une dizaine d’hôpitaux en Chine. "Les résultats obtenus sur une centaine de
patients ont démontré que le phosphate de chloroquine était plus efficace que les autres traitements",
expliquent les scientifiques dans l’étude d’origine.
Une nouvelle étude menée en France sur 80 patients
A l'époque pour le Pr Raoult, cette étude représente une piste qu’il faut absolument approfondir. "Tout
comme cela avait été démontré pour le Sras à l'époque et oublié, regrette-t-il dans la vidéo, la chloroquine
est active in vitro contre les coronavirus." Dans les colonnes de La Provence, il affirme que 75% des patients
participants à cet essai chinois ont guéri grâce au traitement, et que chez les 25% restant, il n’y avait pas
eu d’aggravation.
Ses propos font rapidement le buzz. Depuis la population s’interroge. A-t-il raison ? Et dans ce cas,
pourquoi est-ce que le pays n’agit pas ? De leur côté, beaucoup de médecins et de scientifiques dénoncent
un emballement qui risque de donner de faux espoirs et demandent des études à plus grande échelle afin
de juger de sa réelle efficacité et des possibles risques (effets secondaires, mélange avec certains
traitements…).
“Je suis convaincu qu'à la fin, tout le monde utilisera ce
traitement”
Le 20 mars 2020 le Pr Raoult et son équipe publient une nouvelle étude2 qu’ils ont mené eux-mêmes :
26 patients ont participé à ce test, dont 16 étaient des patients témoins, c’est-à-dire recevant des
traitements habituels. 14 autres n’ont reçu que de l’hydroxychloroquine et 6 ont reçu de
l’hydroxychloroquine associée à un antibiotique : l’azithromicine (déjà testé in vitro contre les virus Zika
et Ebola).
"Six d’entre eux ont été retirés de l’étude”. Pourquoi ? Trois ont été transférés en soins intensifs car leur
état s’est aggravé. Un autre patient est décédé au troisième jour de l’étude, l’un a quitté l’essai
clinique,et un autre a arrêté parce qu’il était victime des nausées. Une différence d’efficacité significative
a été observée entre le groupe ayant reçu seulement de l’hydroxychloroquine et ceux qui l’ont reçu avec
l'antibiotique, selon le groupe d’étude. "Au sixième jour de l’étude 100% des patients ayant reçu la
combinaison “hydroxychloroquine et azithromycine” avait une charge virale négative contre 57,1% chez ceux
ayant reçu la chloroquine seule et 12% dans le groupe témoins. La charge virale est la quantité de virus
présente dans les fluides obtenue notamment par des prélèvement nasopharyngés dans le cas de cette
étude.
Le Pr Didier Raoult a ensuite communiqué les résultats d'une nouvelle étude8 menée sur 80 patients et sans
groupe témoin. "Tous ont reçu de l'hydroxychloroquine avec de l'azithromycine pendant au moins trois jours
et on été suivis au moins six jours. L'âge moyen des patients était de 52 ans. 57,7% d'entre-eux avaient au
moins une pathologie chronique représentant un facteurs de risque de développer une forme sévère de
Covid-19", explique le rapport. Un patient a dû arrêter le traitement car il y avait un risque d’interaction
avec un autre de ses médicaments. Au cours de l'étude, "La majorité (81,3%) des patients ont des résultats
favorables et ont pu quitter notre unité. Seulement 15% ont eu besoin d’assistance respiratoire. 3 patients
ont dû être transférés en soins intensifs et 2 ont pu le quitter rapidement. Un patient de 74 ans reste
encore aux soins intensifs à l'heure où nous écrivons ces résultats (22 mars 2020, NLDR) et un autre de 86
ans qui n'avait pas été transféré en soins intensif est décédé."
Le traitement proposé bien avant l’autorisation
Le positionnement de l’infectiologue est clair : "Avec mon équipe, nous estimons avoir trouvé un
traitement. Et sur le plan de l'éthique médicale, j'estime ne pas avoir le droit, en tant que médecin, de ne
pas utiliser le seul traitement qui ait jusqu'ici fait ses preuves. Je suis convaincu qu'à la fin, tout le monde
utilisera ce traitement. C'est juste une question de temps avant que les gens acceptent de manger leur
chapeau et de dire : 'C'est ça qu'il faut faire'", a-t-il confié, interrogé par Le Parisien.
A Marseille donc, le Pr Raoult a annoncé que son institut allait pratiquer des tests massifs de dépistage
auprès de patients “fébriles” présentant de la fièvre et proposerait le traitement par hydroxychloroquine
associé à l’antibiotique azithromycine sans attendre l’autorisation de mise sur le marché puisque, pour lui,
c'est au début de la maladie que son traitement et le plus efficace et le médecin estime qu'il ne peut pas, ne
pas tenter de soigner les patients avec, "c'est ce que nous dicte le serment d'Hippocrate que nous avons
prêté", a-t-il posté sur son Twitter.
Un traitement qui fait polémique
Du côté de la communauté scientifique entière, les avis sont bien plus mesurés. Plusieurs points
posent problème.
- Le trop petit nombre de patients sur lequel a été testé le traitement. La durée de l’étude également qui ne permet de savoir quels effets secondaires pourraient se déclencher ou si la maladie n’est réellement plus présente et si elle risque de revenir ou non.
- Tous les patients n’en n’étaient pas au même stade de la maladie (16,7% asymptomatiques, 61,1% avec atteinte des voies respiratoires hautes, 22,2% avec atteinte des voies respiratoires basses).
- Il s’agissait également d’une étude non randomisée, c’est-à-dire que patients et médecins savent dans quel groupe chaque patient a été affecté et quels traitements ils ont reçu ce qui peut représenter un biais, c’est-à-dire un procédé entraînant des erreurs parce qu’on sait quel groupe on attend des résultats.
- Les résultats de l’étude portaient sur la diminution de la charge virale dans les sécrétions nasopharyngées. Le virus pourrait être encore dans les poumons et c’est sur ça point que beaucoup de spécialistes l’attaque.
Sur ce dernier point, le Pr Didier Raoult explique que son étude a justement pour but de montrer que
l'hydroxychloroquine a un effet au début de la maladie. "Sur le plan thérapeutique, ce que l'on est en train
de voir, c'est que les malades, au moment où ils ont une insuffisance respiratoire et qu'ils rentrent en
réanimation, n'ont presque plus de virus. C'est alors trop tard pour traiter les gens avec des antiviraux.
C'est quand ils ont des formes modérées, moyennes, ou qui commencent à s'aggraver, qu'il faut les traiter. A
ce moment-là, on contrôle les virus qui se multiplient. Quand ils sont rentrés en réanimation, le problème
ce n'est plus le virus”, a-t-il tweeté. La charge vvirale aurait un effet sur la gravité de la maladie.
Les avis sont alors divisés entre ceux qui pensent qu’il faut agir vite avec les armes dont on dispose étant
donné la situation et ceux qui craignent un emballement pouvant mener à une déception et des effets
sérieux sur le long terme.
Une autre étude indépendante demandée par Olivier Véran
Entre temps, le ministre de la Santé, Olivier Véran qui s’est entretenu avec le Pr Raoult a préféré
demander une étude indépendante sur le traitement par l’hydroxychloroquine portant sur un nombre plus
important de patients. "Jusqu'ici je ne l'ai pas évoqué tant que nous n'avons pas la garantie de la sécurité
sanitaire et de son utilité pour les Français", avait-il déclaré lors d'une audition au Sénat, jeudi 19 mars.
Ce dernier a également évoqué la façon dont certains s'étaient rendu en masse dans les pharmacies pour
faire leurs stocks de paracétamol et de boîtes de chloroquine après la vidéo du Pr Raoult, précisant : "Ce
n'est pas un médicament anodin”. Attention donc à ne pas créer de pénurie, ce qui empêcherait de soigner
les personnes qui en ont réellement besoin.
L’hydroxychloroquine fait donc partie des quatre traitements de l’essai clinique européen baptisé
Discovery3. 3200 patients européens participeront à cet essai. Les pays concernés sont la Belgique, les
Pays-Bas, le Luxembourg, le Royaume uni, l’Allemagne et l’Espagne, selon un communiqué de l’Inserm qui
coordonne l’étude. D’autres pays pourraient rejoindre l’essai.
Au moins 800 participants sont hospitalisés en France “pour une infection COVID-19 dans un service de
médecine ou directement en réanimation”, explique le communiqué de l’Inserm. Le but : évaluer et
comparer l’efficacité la tolérance thérapeutique de plusieurs traitements. L’essai DISCOVERY démarre avec
cinq modalités de traitement :
- Soins standards ;
- Soins standards plus remdesivir ;
- Soins standards plus lopinavir et ritonavir ;
- Soins standards plus lopinavir, ritonavir et interféron bêta ;
- Soins standards plus hydroxy-chloroquine ».
A compter du début de l’essai clinique, efficacité et sécurité de chaque traitement seront évaluées au bout de 15 jours.
Mais depuis, alors que l’étude n’est pas terminée, le Ministère de la Santé a fait publier un décret4 le 25
mars 2020 autorisant l’hydroxychloroquine à être prescrite en cas de Covid-19 dans le cadre de l’urgence
sanitaire. “L'hydroxychloroquine et l'association lopinavir/ ritonavir peuvent être prescrits, dispensés et
administrés sous la responsabilité d'un médecin aux patients atteints par le covid-19, dans les
établissements de santé qui les prennent en charge, ainsi que, pour la poursuite de leur traitement si leur
état le permet et sur autorisation du prescripteur initial, à domicile". Aucun médecin de ville n’est autorisé
à prescrire les traitements évoqués dans le décret.
Sécurisation de l’accès à la chloroquine par l’ANSM
A la demande du ministère de la Santé, l’Agence du médicament (ANSM) annonce le 26 mars, la
sécurisation de l’accès aux traitements Plaquenil (hydroxychloroquine) et Kaletra et son générique
(lopinavis/ritonavir)5. Car ces derniers sont déjà prescrits dans le cadre d’autres maladies chroniques (VIH,
lupus, polyarthrite rhumatoïde). Il faut donc éviter que les malades ne puissent pas avoir accès à leur
traitement. L’ANSM appelle donc les pharmaciens à ne délivrer le médicament que sur prescription
médicale “émanant de rhumatologues, internistes, dermatologues, néphrologues, neurologues et pédiatres
et les renouvellements d'ordonnance émanant de tout médecin” pour le Plaquenil et sur prescription
hospitalière et renouvellement de tout médecin pour le Kaletra.
Des risques de troubles du rythme cardiaque
Le Pr Raoult a remercié dans un tweet, le ministre de la Santé pour son écoute. Mais la polémique
continue. La décision a-t-elle prise été trop vite ? La prescription n’est pas encore assez encadrée et la
question du stade auquel le traitement doit être donnée pas claire, ni vérifiée pour les Académies nationales
de Médecine et de Pharmacies qui réagissent dans un communiqué6 du 26 mars 2020 faisant suite au décret
du gouvernement que “l’efficacité clinique de l’hydroxychloroquine n’est pas faite à ce jour”
essentiellement pour la question de la négativation de la charge virale.
Autoriser la prescription du médicament pour les malades hospitalisés en détresse respiratoire n’est pour,
eux, pas une réponse puisqu’à ce stade, comme le Pr Raoult, lui-même l’a dit, “quand ils sont entrés en
réanimation, le problème n’est plus le virus”. A cette étape, “la maladie n’est plus une virose stricto
sensu mais une défaillance pulmonaire”, déclarent les Académies de Médecine et de pharmacie dans leur
communiqué.
Ils ajoutent également être inquiets des cas rapportés de prescription préventive pour des patients
n’étant pas atteints, de “l'utilisation possible, sinon probable de ce médicament sans contrôle
électrocardiographique initial ni suivi notamment en raison de la possibilité de cardiomyopathies ou
d'induction de troubles du rythme cardiaque” (ce que le PR Didier Raoult et son équipe affirment faire dans
un communiqué, NDLR), des risques d’interactions médicamenteuse méconnus des patients, la confusion
des patients entre la chloroquine et l’hydroxychloroquine et de la vente falsifiée de cette dernière sur
Internet.
Dans un communiqué du 23 avril 2020, l'Agence européenne du médicament (EMA) a fait part de
deux études7 ayant montré des risques de décès lié à des problèmes cardiaques lié à une association entre
la chloroquine, l'hydroxychloroquine et l'azithromycine. L'antibiotique étant lui aussi pour avoir des effets sur
le coeur. A cela, les experts ajoutent à ces effets secondaires que ces traitements "peuvent aussi
endommager le foie, les reins et les cellules nerveuses au point de causer une hypoglycémie ou des
convulsions." Pour l'EMA, la balance bénéfice/risque est encore loin d'être suffisante et les experts appellent
les chercheurs à prendre en compte les antécédents cardiaques des patients et prendre d'extrême
précaution quant aux doses de traitements administrées et rapporter tout effets secondaires aux autorités
sanitaires du pays.
L’avis de notre expert, Dr Gérald Kierzek, médecin urgentiste
Le Dr Kierzek s’est exprimé en live avant l'autorisation du traitement pour répondre aux questions des
internautes pour Doctissimo8. Interrogé sur les effets de la chloroquine, le médecin appelle à la patience :
"En ce moment même des tests sont menés sur des milliers de patients, c’est important d’attendre, on
aura des résultats qui seront fiables. A l’heure actuelle, il y a un petit pourcentage d’effets secondaires.
Le risque, si on donne le traitement à des millions de gens, notamment à titre préventif, c’est que les
complications peuvent alors concerner beaucoup de patients. Il ne faudrait pas qu’il y ait plus d’effets
secondaires alors que dans de nombreux cas la maladie passe toute seule", a précisé le médecin.
Quant au positionnement à prendre pour les professionnels de santé, son message est clair : "Attendez,
soyez raisonnables, ne cédez pas à la panique ! Quand on est médecin on doit prendre en compte la
balance bénéfices-risques, quand il y a plus de risques que de bénéfices pour un traitement, il ne faut pas
le donner. Il faut laisser travailler les gens, les essais cliniques sont en cours, on aura les résultats".
Concernant le bon usage actuel de la chloroquine, le Dr Kierzek résume : "Pour l’instant c’est réservé pour
les malades les plus graves pour lesquels il y a une prescription hospitalière, tout cela est très encadré. Il
faut s’en tenir à cela". Avant de conclure : "Pas d’affolement, pas de panique et pas de précipitation sur
la chloroquine !".
Ecrit par:
Bénédicte Demmer
Journaliste
Créé le 24 avril 2020
Sources :
1 - Breakthrough: Chloroquine phosphate has shown apparent efficacy in treatment of COVID-19 associated
pneumonia in clinical studies, Bioscience Trends, 4 février 2020
2 - Hydroxychloroquine and azithromycin as a treatment of COVID-19: results of an open-label non-
randomized clinical trial, Sciencedirect, 20 mars 2020
3 - Communiqué “Lancement d’un essai clinique européen contre le Covid-19”, Inserm.
4 - Décret 2020-314 du 25 mars 2020 complétant le décret n° 2020-293 du 23 mars 2020 prescrivant les
mesures générales nécessaires pour faire face à l'épidémie de covid-19 dans le cadre de l'état d'urgence
sanitaire, Journal Officiel
5 - Ansm sécurise l’accès aux traitements Plaquenil et KAletra pour les patients atteints de maladie
chronique, 26 mars 2020, Communiqué ANSM
6 - Avis des Académies nationales de médecine et de pharmacie sur les traitements à base
d’hydroxychloroquine dans le cadre de la pandémie covid-19, 26 mars 2020
7- COVID-19: reminder of risk of serious side effects with chloroquine and hydroxychloroquine, Europen
Medicine Agency, 23/04/2020
8 - Intervention en live du Dr Gérald Kierzek pour Doctissimo + lien vers le replay
- Clinical and microbiological effect of a combination of hydroxychloroquine and azithromycin in 80
COVID-19 patients with at least a six-day follow up: an observational study, 22 mars 2020