L’effet Boris Johnson n’aura pas suffi. Une semaine après son arrivée à la tête du gouvernement, le nouveau Premier ministre a subi son premier revers électoral. Les électeurs de la circonscription galloise de Brecon and Radnorshire ont élu comme députée la candidate libérale-démocrate Jane Dodds. Cette dernière a battu le conservateur Chris Davies, le député sortant, par 1 425 votes. L’élection avait été déclenchée après la démission forcée de Chris Davies, condamné pour fraude dans ses dépenses parlementaires.

L’écart est serré mais le résultat très significatif pour plusieurs raisons. La majorité de Boris Johnson à la Chambre des communes est désormais réduite à une seule voix et encore, en comptant les dix des députés du parti unioniste nord-irlandais Democratic Unionist Party (DUP).

Un habitant pour dix moutons

Cette majorité minuscule réduit encore un peu la marge de manœuvre au Parlement du Premier ministre, alors que plusieurs de ses propres députés conservateurs lui sont farouchement hostiles. Le président du parti conservateur James Cleverly a d’ailleurs réagi au résultat avec un avertissement très clair aux députés tories. «Il importe que tous les conservateurs soutiennent bien le Premier ministre», a-t-il déclaré sur la BBC-Radio 4.

Le parti libéral-démocrate récupère une circonscription qui lui était traditionnellement acquise jusqu’en 2015, où elle était passée au Parti conservateur. Lors des dernières élections en 2017, Chris Davies avait gagné avec une majorité de 8 038 voix. Pour cette élection, le parti gallois Plaid Cymru et les Green n’avaient pas présenté de candidat pour maximiser les chances de la candidate du parti libéral-démocrate. Pour la simple raison que ces trois partis sont farouchement en faveur du maintien au sein de l’Union européenne.

Le Pays-de-Galles et particulièrement la circonscription de Brecon and Radnorshire avaient pourtant voté pour Leave en juin 2016, à 53,7%. Mais dans cette région très rurale, de la taille du Luxembourg et qui compte un habitant pour dix moutons, la course au Brexit sans accord que semble privilégier Boris Johnson inquiète de plus en plus. Sa visite cette semaine dans un élevage de poulets de la circonscription s’était déroulée dans une ambiance hostile.

«Lui dire d’arrêter de jouer avec le futur de notre communauté» 

Le résultat est donc particulièrement important, d’autant que le taux de participation, 59,5%, est le plus élevé enregistré pour une élection partielle depuis 1997. Dans sa première déclaration à ses administrés, la nouvelle élue Jane Dodds a lancé un avertissement cinglant au Premier ministre. «Ma toute première action en tant que nouvelle députée sera d’aller à Westminster et de trouver M. Boris Johnson, où qu’il se cache, pour lui dire d’arrêter de jouer avec le futur de notre communauté et d’exclure un Brexit sans accord !» Depuis les élections européennes, où il avait enregistré la deuxième place derrière le Brexit Party de Nigel Farage, la stratégie très pro-européenne du parti libéral-démocrate, qui réclame un second référendum sur le Brexit, continue donc à payer.

Le Brexit Party s’est placé en troisième position, mais très très loin derrière les conservateurs et les libéraux-démocrates. Le Labour enregistre une très mauvaise nuit, après une pitoyable quatrième place avec seulement 5% des voix. En 2017, il avait obtenu 18% des voix. Il paye une fois de plus son manque de clarté sur sa position sur le Brexit.

Le résultat de cette élection partielle pourrait renforcer les probabilités d’une élection générale anticipée à très court terme. La question est de savoir quand ? Un récent sondage réalisé par ComRes montre que le scénario qui offrirait le plus de chances au Parti conservateur d’obtenir une majorité au Parlement serait celui d’un scrutin provoqué après une sortie de l’UE sans accord le 31 octobre prochain. Ce qui pourrait expliquer la stratégie actuelle de Boris Johnson.

Sonia Delesalle-Stolper Correspondante à Londres