POLITIQUE - La France va-t-elle rester dans l’illégalité? Plusieurs représentants de la chasse traditionnelle sont reçus ce vendredi 7 juillet à Matignon par un membre du cabinet de Jean Castex. Le but? Ouvrir une “négociation directe afin de permettre le maintien cette année” de la chasse à la glu selon les principaux intéressés, qui se réjouissaient la veille d’avoir obtenu cet entretien.
Sans quoi ils menaçaient de crier leur mécontentement sous les fenêtres d’Emmanuel Macron à Bormes-les-Mimosas. Après de premiers entretiens avec la ministre de la Transition écologique, c’est donc auprès du chef du gouvernement, ou de ses collaborateurs, que les adeptes de la “chasse traditionnelle” vont discuter pour proroger l’autorisation de cette pratique, pourtant interdite au regard du droit européen. Et ce depuis onze ans et la directive européenne 2009/147, dite “directive oiseaux.”
La chasse à la glu consiste à capturer des oiseaux à l’aide de tiges en bois enduites de colle pour qu’ils servent ensuite d’appâts. Une pratique “barbare” pour les défenseurs de la condition animale que Barbara Pompili se serait engagée à interdire le 17 juillet dernier, devant des associations de chasseurs. Son retour, négocié ce vendredi, commence à faire bruisser la majorité dont certains membres, attachés au bien-être animal, ont déjà dû avaler plusieurs couleuvres.
“Il est impossible que dans notre pays les chasseurs fassent la loi”
“Après avoir interpellé le gouvernement sur l’interdiction de la chasse à la glu, je déplore que cette pratique soit en passe d’être encore prorogée”, écrit par exemple le député LREM Hugues Renson sur les réseaux sociaux. Et d’ajouter: “si tel était le cas, nos engagements européens s’effaceraient devant le poids problématique d’un lobby. Ce ne serait pas acceptable.”
L’élu de Paris, créateur -avec Barbara Pompili notamment- d’un mouvement écolo au sein même de La République en marche n’est pas le seul parlementaire de la majorité à dire son agacement quant à la relation privilégiée que semblent entretenir les chasseurs avec l’exécutif.
“Soutien total à Barbara Pompili dans son combat pour mettre fin de la chasse à la glu”, clame Loïc Dombreval, le président LREM du groupe d’étude parlementaire “Condition Animale.” “Il est impossible que dans notre pays les chasseurs, 1,8% de la population fassent la loi contre la Commission Européenne et l’immense majorité des français opposés aux chasses traditionnelles”, ajoute-t-il, en référence, sans doute, aux 90% de Français s’étant prononcés contre cette pratique de “chasse traditionnelle” en 2018.
Macron, l’été et les chasseurs
Sans surprise, les responsables écolos ou défenseurs de la condition animale tapent encore plus fort sur ces négociations. “Il est temps d’en finir une bonne fois pour toutes avec la chasse à la glu et autres pratiques cruelles”, critique le patron d’EELV Julien Bayou tout en garantissant à One Voice, une association militant pour le “droit absolu des animaux au respect”, le soutien des ”élus écologistes” dans leurs éventuelles futures démarches juridiques.
<script src="https://platform.twitter.com/widgets.js"></script>Plein soutien y compris pour aller en justice, vous aurez le soutien des élu-e-s et militant-e-s écologistes.
— Julien Bayou (@julienbayou) August 6, 2020
Il est temps d'en finir une bonne fois pour toutes avec la chasse à la glu et autres pratiques cruelles. #lachasseunproblememortel https://t.co/3sIGNgBUut
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Si rien n’est encore acté pour la poursuite du “loisir” de ces chasseurs, cet entretien à Matignon interroge, en plein été, alors que le gouvernement est en vacances, et que l’exécutif s’est toujours globalement montré favorable à ces associations et à son million d’adeptes.
À la fin de l’été 2018, elles avaient déjà obtenu la réduction de moitié du prix du permis national de chasse, passant de 400 à 200 euros ou une “gestion adaptative” des espèces chassables. Et donc des espèces protégées.
Et le secrétariat d’État?
Autant de petits cadeaux qui avaient provoqué le départ fracassant de Nicolas Hulot, comme la goutte d’eau dans le vase de ses renoncements. Il avait notamment été ulcéré par la présence à l’Élysée de Thierry Coste, un lobbyiste très influent du monde de la chasse, lors d’une réunion autour de la réforme de ce loisir.
Qu’à cela ne tienne, deux ans plus tard, l’aile gauche de la majorité espérait à la faveur du changement de gouvernement Castex, une prise de conscience de l’exécutif sur le bien-être animal et pourquoi pas, la création d’un secrétariat d’État dédié à la cause. Stanislas Guerini était même pressenti pour porter cette mission, soutenue notamment par une pétition signée par plus de 100.000 personnes.
Raté. Un mois de remaniement plus tard, aucun signe de la lutte pour la condition animale dans cette nouvelle équipe, c’est le ministre de l’Agriculture qui continuera à porter la thématique. “Ce gouvernement se coupe un peu plus de la population en matière de souffrance animale”, fustige à ce propos l’association Paris Animaux Zoopolis. Compte-t-il sur le retour de la chasse à glu, et une nouvelle remontrance de l’Union européenne, pour inverser la tendance?
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