• Féminicide au Havre : 800 personnes réclament justice pour Johanna

    La jeune maman de 27 ans a été poignardée lundi devant ses enfants. «Stop aux féminicides», pouvait-on lire sur des pancartes. Son conjoint a été mis en examen et écroué.

     La mère de Johanna se recueille, une photo de sa fille à la main. La mère de Johanna se recueille, une photo de sa fille à la main.  AFP/LOU BENOIST.
     

    Le 18 septembre 2019 à 17h31, modifié le 18 septembre 2019 à 20h12

    «Brisons le silence», «Stop aux féminicides», «Stop à la violence» : près de 800 personnes selon la police se sont rassemblées sous ces mots d'ordre mercredi au Havre (Seine-Maritime). Elles demandent « justice » pour « Johanna » la femme de 27 ans tuée lundi dans cette ville par son conjoint devant ses enfants.

    Parmi elles, 600 ont défilé dans les rues du Havre. Le cortège était à 70 % environ composé de femmes et d'enfants, selon la même source.

    L'homme de 37 ans, qui a poignardé cette femme devant leurs enfants de deux, quatre et six ans au sortir d'une grande surface, a été mis en examen et placé en détention provisoire mercredi en fin d'après-midi. « Il a maintenu sa reconnaissance des faits », a indiqué le parquet dans un communiqué transmis à la presse, précisant qu'une information judiciaire a été ouverte du chef de meurtre par conjoint.

    Interpellé peu après les faits, l'homme, qui a porté 14 coups de couteau à sa conjointe, avait dit avoir agi par crainte que la victime ne le prive de ses fils.

    « Les trois enfants ont fait l'objet d'une ordonnance de placement provisoire et dans ce cadre confiés à un membre de la famille. Conformément à la loi, à la suite de cette décision provisoire, le juge des enfants sera saisi au titre de l'assistance éducative », a expliqué le procureur du Havre François Gosselin.

    La police était déjà intervenue

    Le 11 août, la victime avait déjà porté plainte. La police était alors intervenue au domicile du couple, que « la jeune femme disait avoir quitté en passant par la fenêtre de l'appartement […] ayant été menacée par son compagnon à l'aide d'un couteau ainsi que d'étouffement avec un sac en plastique ». Le conjoint avait alors été interpellé puis relâché. « Dans cette première affaire, c'était parole contre parole », avait précisé le procureur François Gosselin.

    La femme avait depuis quitté le domicile commun pour s'installer dans un foyer et « les enfants étaient pris en charge tour à tour par chacun des parents » dans l'attente d'un jugement sur leur garde.

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  • En Arabie Saoudite, les femmes bientôt dispensées de leur longue robe noire ?

    Publié le 12/02/2018 - 15:43
    Des femmes saoudiennes se rendent à la grande mosquée de Turki bin Abdullah à Riyadh, le 8 août 2013, en abaya. FAYEZ NURELDINE / AFPDes femmes saoudiennes se rendent à la grande mosquée de Turki bin Abdullah à Riyadh, le 8 août 2013, en abaya. FAYEZ NURELDINE / AFP

    Selon un membre de la plus haute instance religieuse du pays, l’abaya noire pourrait ne plus être de rigueur en Arabie Saoudite. Cette prise de position ouvre une brèche pour l’assouplissement des règles vestimentaires féminines.    

     
     

    La fameuse abaya ne sera peut-être bientôt plus obligatoire pour les femmes saoudiennes. C’est ce que suggère l’intervention d’un des membres du Conseil des grands oulémas, qui réunit les plus éminents membres de l’establishment religieux saoudien, selon le journal saoudien anglophone Saudi Gazette.

    En effet, l’ouléma Abdullah Al-Mutlaq a déclaré au cours d’une émission radio que “plus de 90 % pour cent des pieuses femmes musulmanes dans le monde ne portent pas d’abaya, ajoutant : “Nous ne devrions donc pas imposer son port en Arabie Saoudite.”

    Ce vêtement, qui consiste en un grand tissu noir d’une seule pièce, qui doit se porter ample pour ne révéler aucune forme du corps, est en quelque sorte l’uniforme de rigueur pour les femmes en Arabie Saoudite.

    Ce n’est pas un droit à “s’habiller n’importe comment”

    Certes, cette déclaration n’a pas de valeur officielle puisqu’elle ne représente que l’avis d’un ouléma, fut-il haut placé. De même, notait l’émission politique de la chaîne locale Khalijia, “il n’a nullement dit que les femmes devaient pouvoir s’habiller n’importe comment. Il a juste dit que le point essentiel était qu’elles soient vêtues de manière pudique, et qu’il n’y avait pas que l’abaya pour y parvenir”.

    Il n’en reste pas moins que cette déclaration constitue une brèche dans les strictes règles vestimentaires qui s’appliquent aux femmes. Elle a donc été très favorablement accueillie par les milieux libéraux du pays. Comme le note l’éditorialiste et écrivain saoudien Khalaf Al-Harbi dans les colonnes d’Okaz, le grand quotidien libéral de Djeddah : “Il y a quelques années encore, la moindre couleur sur une abaya, même sombre et discrète, suscitait des tempêtes.”

    Selon lui, “les armées de l’ombre s’agiteront évidemment sur Internet pour dire que l’oumma [la communauté des musulmans] est en danger, et que c’est le début du projet d’occidentalisation qui vise à corrompre la femme musulmane”. Il prédit qu’il y aura des polémiques à n’en plus finir qui tiendront en haleine l’opinion saoudienne autour de la question de l’abaya, de sa coupe, de ses couleurs. Mais il pose surtout cette question : “Qui aurait imaginé que les choses changent aussi vite” en Arabie Saoudite ?

     
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  • Pas-de-Calais : 10 ans de prison pour le viol et la séquestration de son ex-compagne enceinte

    La justice a retenu l’altération du jugement mais pas l’abolition.

     L’affaire était jugée aux assises du Pas-de-Calais. L’affaire était jugée aux assises du Pas-de-Calais.  AFP/Philippe Huguen
     
    Le 4 septembre 2019 à 21h42

    Un Belge de 37 ans a été condamné mercredi à 10 ans de réclusion criminelle avec suivi médical, reconnu coupable de viol, enlèvement et séquestration de son ex-conjointe alors enceinte d'un autre homme, par la cour d'assises du Pas-de-Calais, qui a retenu l'altération du jugement.

    En janvier 2017, cet homme s'était échappé d'un établissement psychiatrique de Liège (Belgique) où il était en soins pour se rendre à Bonningues-les-Calais où son ex-conjointe vivait en concubinage avec un nouveau compagnon dont elle était enceinte de 7 mois.

    Battue, attachée, violée

    Entré par effraction au domicile de son ex-épouse, l'homme l'avait battue, violée à deux reprises avant d'être surpris en flagrant délit, dénudé sur sa victime, par les gendarmes que cette dernière avait pu appeler.

    Tout au long du procès, l'accusé a reconnu la séquestration mais nié les viols de son ex-épouse. « J'ai fait cela pour que l'enfant qu'elle attendait soit de moi, je ne voulais pas qu'il soit de l'autre », a-t-il dit.

    La victime, 27 ans, mère de trois enfants, a affirmé avoir déposé 27 plaintes et mains courantes contre son époux pour des viols, parfois collectifs, lorsqu'elle vivait avec lui et qu'il l'aurait forcée à se prostituer après un mariage « arrangé ».

    L'altération du jugement retenue

    Les experts psychiatres ont été unanimes à dire que l'accusé souffre de « schizophrénie lourde ». Des troubles psychologiques qui peuvent l'entraîner, pour deux des trois experts ayant examiné l'accusé en août, « dans l'irréel et parfois même dans un délire mystique » comme il l'a avancé à la barre.

    Au terme de trois jours d'audience et de trois heures de délibéré, la cour a retenu l'altération du jugement, mais rejeté l'abolition.

    Le ministère public avait requis 13 années de réclusion criminelle avec suivi socio-judiciaire, prenant en considération l'altération de discernement chez l'accusé au moment des faits.

    Le condamné a été inscrit au fichier des auteurs d'agressions sexuelles et perdu l'autorité parentale sur ses deux filles, placées dans des familles d'accueil.

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  • Que fait la Justice, elle a vraiment les yeux bandés...On parle de la mort d'une enfant,Fiona morte sous les coups imputés à sa mère, Cécile Bourgeaon, et son beau-père Berkane Makhlouf en mai 2013 à Clermont-Ferrand. La mère est libérée par le juge,en février dernier... elle est enceinte de son quatrième enfant. Il va falloir qu'on m'explique la soudaine honnêteté de cette femme: son enfant est mort sous ses coups et elle est dehors, tranquille et va mettre au monde un nouveau martyre? La justice a beau avoir les yeux bandés, il existe des lois, aux juges de les appliquer.

    Affaire Fiona : à Perpignan depuis sa libération, Cécile Bourgeon enceinte de son quatrième enfant

    • Cécile Bourgeon avait été libérée. Cécile Bourgeon avait été libérée. MAXPPP
      Publié le 01/09/2019 à 13:56 / Modifié le 01/09/2019 à 13:56 S'abonner
    Fiona était morte sous les coups imputés à sa mère, Cécile Bourgeaon, et son beau-père Berkane Makhlouf en mai 2013 à Clermont-Ferrand. Libérée en février dernier, elle est enceinte de son quatrième enfant.

    Cécile Bourgeon, sortie de prison à la faveur d'une décision de la Cour de cassation, est enceinte de son quatrième enfant depuis mai dernier. C'est Le Parisien qui révèle l'information ce dimanche. Revenue dans les Pyrénées-Orientales où habite sa mère, elle aurait rencontré un homme avec lequel elle se serait installée. Il s'agit donc de son quatrième enfant. 

    Fiona, victime de maltraitances, était l'aînée. En mai 2013, alors qu'elle était âgée de 5 ans, elle a succombé aux coups répétés imputés à sa mère et son beau-père. Les deux se rejettent la faute.

     

    Sa mère avait fait croire à l'époque qu'elle avait été enlevée. Le père biologique de Fiona a la garde de sa petite soeur. Cécile Bourgeon a eu un troisième enfant avec Berkane Makhlouf qui a été placé. Elle n'a pas de contact avec ses deux enfants. 

    Un incident contentieux

    Cécile Bourgeon pourra-t-elle assister à son quatrième procès en fonction de son état ? La Cour de cassation avait annulé en février dernier l’arrêt de la cour d’assises de la Haute-Loire qui avait condamné sa mère, Cécile Bourgeon, à vingt ans de prison pour les coups mortels portés à sa fille, ordonnant un nouveau procès. Son avocat avait obtenu gain de cause : il dénonçait une réunion entre le président de la cour et des avocats des parties civiles en marge de l'audience. Cécile Bourgeon avait alors été remise en liberté.

    Alors que l'accouchement devrait avoir lieu en février 2020 et le procès en janvier à Lyon, la question se pose de savoir si Cécile Bourgeon sera en mesure d'y assister aux dates prévues.

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  • Violences conjugales : immersion au 3919 pour Macron

    Par Catherine Mallaval 3 septembre 2019 à 20:16
    Une centaine de personnes se sont réunies lundi à la gare de Cagnes-sur-Mer en hommage à Salomé, décédée sous les coups de son conjoint ce week-end.Une centaine de personnes se sont réunies lundi à la gare de Cagnes-sur-Mer en hommage à Salomé, décédée sous les coups de son conjoint ce week-end. Photo Laurent Carré

    A l’occasion du Grenelle qui a commencé ce mardi, le Président s’est rendu en petit comité au siège de la ligne d’écoute, de soutien et d’orientation pour les femmes en détresse.

    Une immersion de deux heures. Une plongée dans la mer très noire des femmes qui ramassent des raclées, parfois mortelles (121 en 2018) de leurs compagnons, époux ou ex. Une preuve, s’il en était besoin, que le sort parfois réservé à la moitié de l’humanité mérite d’être une grande cause du quinquennat en cours. Une façon aussi d’apposer le sceau présidentiel sur le Grenelle dédié à la lutte contre les violences conjugales. Mardi à 10 h 30, dans le XIXe arrondissement parisien, Emmanuel Macron soi-même s’est engouffré dans les locaux de l’emblématique «3919», la ligne d’écoute, de soutien et d’orientation dédiée aux femmes rouées de coups, bafouées, en danger. Pas de télés, pas de flashs, pas d’escouades de journalistes. Juste l’Agence France-Presse et Libération, qui, depuis janvier 2017 raconte, derrière les chiffres, les vies des victimes de féminicides. Une «vraie» immersion, insiste l’entourage.

    Petite séance de présentations. Le 3919 reçoit des appels de toute la France, fonctionne sept jours sur sept, de 9 heures à 22 heures du lundi au vendredi, de 9 à 18 heures le week-end. Il fait partie de la Fédération nationale solidarité femmes, qui elle-même regroupe 67 associations. Un réseau qui permet d’orienter les femmes en détresse vers des relais locaux et dispose de 2 800 places d’hébergement. En ce jour de Grenelle et du lancement d’une campagne destinée à médiatiser la ligne d’écoute, les appels gratuits et anonymes (en moyenne 250 par jour) affluent. «Je sens qu’on va frôler les 2 000», annonce un membre de l’équipe. «C’est bien qu’on en parle, non ?» lance Emmanuel Macron qui note, digère, relance : «Pourquoi pas une ligne qui fonctionne vingt-quatre heures sur vingt-quatre ?», «Pourquoi ne pas éloigner les hommes violents du domicile plutôt que d’aider les femmes à partir ?», «Les hommes reconnaissent-ils les faits ? Sont-ils dans le déni ?»

    «Echapper à l’enfer»

    Mais le temps de l’immersion est compté et le Président est vite guidé vers une petite pièce, invité à écouter l’appel d’une victime. L’écoutante est une femme qui officie depuis le tout début de la ligne d’appel en 1992. Quand le numéro comptait encore 10 chiffres, quand les appels étaient moins fréquents, quand elle rêvait de «sauver toutes ces femmes». Scène de dialogue. Emmanuel Macron : «La situation a-t-elle beaucoup changé ?» Elle, longue robe noire, blouson de cuir noir au portemanteau, coupe au carré : «Les années 2000 ont été un tournant. Il y a eu des rapports sur les violences dont les enfants étaient victimes, la prise de conscience des conséquences pour la santé de la maltraitance des femmes. On était six. Il a fallu former de nouveaux écoutants.» Macron : «Qu’est-ce qui vous inquiète le plus ?» «Je pensais qu’on avait réussi à faire passer des messages. Mais j’ai encore eu ce matin une femme qui a été battue, elle souffre de fractures. Elle a aussi subi des violences sexuelles. Il y a des lois, mais ça ne suffit pas. Il y a encore un sentiment d’impunité. Certains considèrent les femmes comme des objets. Il y a toujours une domination masculine.» Le président opine. On lui signale de mettre son casque. Une femme appelle pour demander de l’aide.

    L’écoutante prend les commandes : «Bonjour Madame, qu’est-ce qui vous amène vers moi ? Vous êtes à la gendarmerie en ce moment, c’est ça ? Pouvez-vous m’expliquer votre situation ? Vous voulez prendre vos affaires qui sont à votre domicile mais votre mari y est ? […] C’est la mission de la gendarmerie de vous protéger.» De questions en paroles rassurantes, le profil de la victime se dessine. En couple depuis quarante ans, grands enfants qui ne sont plus à la maison, les coups qui ont commencé à tomber. Les premières plaintes. Une chimio qui est venue pourrir encore davantage la vie. Le Président baisse les yeux. L’immersion est amère. L’écoutante résume : «Cette dame a été menacée de mort. Elle veut qu’un gendarme l’accompagne chez elle, pour prendre quelques effets et échapper à l’enfer. Le gendarme refuse.» Le Président lève les yeux au ciel. La tension monte dans la petite pièce.

    «Passez-moi le gendarme», demande l’écoutante. Avec une douceur bien ferme, elle énonce : «Ecoutez monsieur, normalement nous n’avons pas ce genre de refus. Avez-vous un problème d’effectifs ?» ; «Quel article de loi vous empêche de l’accompagner ?» ; «Votre rôle est de protéger les citoyens» ; «Madame est en danger !» Le gendarme désespère Macron. Il exaspère la secrétaire d’Etat en charge de l’Egalité entre les femmes et les hommes, Marlène Schiappa, qui est aussi du déplacement. Mais la règle du jeu a été fixée. Emmanuel Macron est là incognito. Impossible de passer une avoinée au représentant buté des forces de l’ordre.

    Le Président demande : «Ça vous arrive souvent, ça ?» «Oui. De plus en plus. Dimanche, j’ai encore eu un gendarme qui ne voulait pas prendre une plainte.» «Il y a manifestement un grave problème de perception du danger, résume Emmanuel Macron, qui soupire : On a pourtant mis des référents violences faites aux femmes dans les gendarmeries et les commissariats.» Un diable passe… Le Président : «Il faut réussir à avoir un impact sur les forces de l’ordre.»

    «Ça devient cyclique»

    Séquence suivante. Emmanuel Macron est cette fois confronté à des victimes venues exprès. Il y a d’abord cette femme que son mari a poursuivie jusque dans l’Ehpad où elle travaillait : «Il a débarqué avec un couteau. Il visait la carotide. Il m’a mis des coups. Il a fallu réparer mon visage.» Elle ajoute : «Les premières fois que je suis allée à la gendarmerie, je n’ai pas eu d’écoute. A l’hôpital non plus. Je voulais une maison où me reposer. Je me suis retrouvée au 115.» L’immersion est à son comble. Le Président pose des questions : «Et vous Madame, il vous a battue longtemps ?» La deuxième victime explique qu’«à 25 ans, on croit que c’est de l’amour», mais qu’après, «ça devient cyclique». Elle précise : «J’ai eu la garde des enfants, mais il avait mon adresse…» La troisième a commencé à prendre des baffes à 22 ans. Il a fallu que son mari lui envoie la photo d’un fusil pour que la police réagisse. Le Président : «Il reste violent ?» «Ça s’accentue. Et chaque fois que je le croise au tribunal, il me fait des doigts d’honneur. Et je ne vous parle pas des problèmes de pension alimentaire…»

    Le drame se décline. Les douleurs psychiques. Le corps qui emmagasine. Le manque de suivi psychologique des enfants. Les juges du pénal et du civil qui ne se communiquent pas les dossiers. La détresse économique. Les autorités parentales partagées qui impliquent que l’ex a l’adresse de sa victime, la double peine des femmes âgées, handicapées ou sans carte de séjour… La liste est longue comme une salve de coups.

    Le président Macron remercie ces femmes de lui avoir exposé leurs vies. Il montre qu’il a noté. Repart avec une suite de requêtes. Fait un dernier tour des lieux. Repose la question : «Vous pourriez ouvrir vingt-quatre heures sur vingt-quatre et vous étendre à cet étage ?» Mais avec quel argent ? Après l’immersion, la rallonge ?

    Catherine Mallaval
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  • Emmanuel Macron : «Et vous madame, il vous a battue longtemps ?»

    Par Catherine Mallaval 3 septembre 2019 à 18:09
    Marche contre les violences conjugales en ouverture du Grenelle, le 3 septembre à Paris. Photo Albert Facelly pour Libération

    Le Président a passé deux heures mardi au siège du 3919, la ligne d’écoute, de soutien et d’orientation dédiée aux femmes victimes de violences conjugales.

    Une immersion de deux heures. Une plongée dans la mer très noire des femmes qui ramassent des raclées, parfois mortelles (121 en 2018) de leurs compagnons, époux ou ex. Une preuve, s’il en était besoin, que le sort parfois réservé à la moitié de l’humanité mérite d’être une grande cause du quinquennat en cours. Une façon aussi d’apposer le sceau présidentiel sur le grenelle dédié à la lutte contre les violences conjugales. Mardi à 10 h 30, dans le XIXe arrondissement parisien, Emmanuel Macron soi-même s’est engouffré dans les locaux de l’emblématique «3919», la ligne d’écoute, de soutien et d’orientation dédiée aux femmes rouées de coup, bafouées, en danger. Pas de télés, pas de flashs, pas d’escouades de journalistes. Juste l’Agence France Presse et Libération, qui depuis janvier 2017 raconte, derrière les chiffres, les vies des victimes de féminicides. Une «vraie» immersion, insiste l’entourage.

    Petite séance de présentations. Le 3919 reçoit des appels de toute la France, fonctionne sept jours sept, de 9 heures à 22 heures, de 9 à 18 heures, le week-end. Il fait partie de la ­Fédération nationale solidarité femmes, qui elle-même regroupe 67 associations. Un vrai réseau qui permet d’orienter les femmes en détresse vers des relais locaux et dispose de 2 800 places d’hébergement. En ce jour de grenelle et du lancement d’une campagne destinée à médiatiser la ligne d’écoute, les appels gratuits et anonymes (en moyenne 250 par jour) affluent. «Je sens qu’on va frôler les 2 000», annonce un membre de l’équipe. «C’est bien qu’on en parle, non ?» lance Emmanuel Macron qui note, digère, relance : «Pourquoi pas une ligne qui fonctionne 24 heures sur 24 ?», «Pourquoi ne pas éloigner les hommes violents du domicile plutôt que d’aider les femmes à partir ?», «Les hommes reconnaissent-ils les faits ? Sont-ils dans le déni ?».

    «Echapper à l’enfer»

    Mais l’immersion est comptée et le Président vite guidé vers une petite pièce, invité à écouter l’appel d’une victime en même temps qu’une écoutante. Cette femme officie depuis le tout début de ligne d’appel en 1992. Quand le numéro comptait encore 10 chiffres, quand les appels étaient moins fréquents, quand elle rêvait de «sauver toutes ces femmes».

    Scène de dialogue. Emmanuel Macron : «La situation a-t-elle beaucoup changé ?» Elle, longue robe noire, blouson de cuir noir au portemanteau, coupe au carré : «Les années 2000 ont été un tournant. Il y a eu des rapports sur les violences dont les enfants étaient victimes, la prise de conscience des conséquences pour la santé de la maltraitance des femmes. On était six. Il a fallu former de nouveaux écoutants.» Macron : «Qu’est-ce qui vous inquiète le plus ?» «Je pensais qu’on avait réussi à faire passer des messages. Mais j’ai encore eu ce matin une femme qui a été battue, elle souffre de fractures. Elle a aussi subi des violences sexuelles. Il y a des lois, mais ça ne suffit pas. Il y a encore un sentiment d’impunité. Certains considèrent les femmes comme des objets sur lesquels on peut passer. Il y a toujours une domination masculine.» Le président opine. On lui signale de mettre son casque. Une femme appelle pour demander de l’aide.

    L’écoutante prend les commandes : «Bonjour madame, qu’est-ce qui vous amène vers moi ? Vous êtes à la gendarmerie en ce moment, c’est ça ? Pouvez-vous m’expliquer votre situation. Vous voulez prendre vos affaires qui sont à votre domicile mais votre mari y est ? […] C’est la mission de la gendarmerie de vous protéger.» De questions en paroles rassurantes, le profil de la victime se dessine. En couple depuis quarante ans, grands enfants qui ne sont plus à la maison, les coups qui ont commencé à tomber. Les premières plaintes. Une chimio qui est venue pourrir encore davantage la vie. Le Président baisse les yeux. L’immersion est amère. L’écoutante résume : «Cette dame a été menacée de mort. Elle veut qu’un gendarme l’accompagne chez elle, pour prendre quelques effets et échapper à l’enfer. Le gendarme refuse.» Le Président lève les yeux au ciel. La tension monte dans la petite pièce.

    «Passez-moi le gendarme», demande l’écoutante. Avec une douceur bien ferme, elle énonce : «Ecoutez monsieur, normalement nous n’avons pas ce genre de refus. Avez-vous un problème d’effectif ?» ; «Quel article de loi vous empêche de l’accompagner ?» ; «Votre rôle est de protéger les citoyens» ; «Madame est en danger !»… Le gendarme désespère Macron. Il exaspère la secrétaire d’Etat en charge de l’égalité entre les femmes et les hommes, Marlène Schiappa, qui est aussi du déplacement. Mais la règle du jeu a été fixée. Emmanuel Macron est là incognito. Impossible de passer une avoinée au représentant buté des forces de l’ordre.

    Le président demande : «Ça vous arrive souvent, ça ?» «Oui. De plus en plus. Dimanche, j’ai encore eu un gendarme qui ne voulait pas prendre une plainte.» «Il y a manifestement un grave problème de perception du danger», résume Emmanuel Macron, qui soupire : «On a pourtant mis des référents violences faites aux femmes dans les gendarmeries et commissariats.» Un diable passe… Le Président : «Il faut réussir à avoir un impact sur les forces de l’ordre.»

    «Ça devient cyclique»

    Séquence suivante. Emmanuel Macron est cette fois confronté à des victimes venues exprès. Il y a d’abord cette femme que son mari a poursuivie jusque dans l’Ephad où elle travaillait : «Il a débarqué avec un couteau. Il visait la carotide. Il m’a mis des coups. Il a fallu réparer mon visage.» Elle ajoute : «Les premières fois que je suis allée à la gendarmerie, je n’ai pas eu d’écoute. A l’hôpital non plus. Je voulais une maison où me reposer. Je me suis retrouvée au 115.» L’immersion est à son comble. Le Président pose des questions : «Et vous madame, il vous a battue longtemps ?» La deuxième victime explique qu’«à 25 ans, on croit que c’est de l’amour», mais qu’après, «ça devient cyclique». Elle précise : «J’ai eu la garde des enfants, mais il avait mon adresse…» La troisième a commencé à prendre des baffes à 22 ans. Il a fallu que son mari lui envoie la photo d’un fusil pour que la police réagisse. Le président : «Il reste violent ?» «Ça s’accentue. Et que je le croise au tribunal, il me fait des doigts d’honneur. Et je ne vous parle pas des problèmes de pension alimentaire…»

    Le drame se décline. Les douleurs psychiques. Le corps qui emmagasine. Le manque de suivi psychologique des enfants. Les juges du pénal et du civil qui ne se communiquent pas les dossiers. La détresse économique. Les autorités parentales partagées qui impliquent que l’ex a l’adresse de sa victime, la double peine des femmes âgées, handicapées ou sans carte de séjour… La liste est longue comme une salve de coups.

    Le président Macron remercie ces femmes de lui avoir exposé leurs vies. Il montre qu’il a noté. Repart avec une liste de requêtes. Fait un dernier tour des lieux. Repose la question : «Vous pourriez ouvrir 24 heures sur 24 et vous étendre à cet étage?» Mais avec quel argent ? Après l’immersion, la rallonge ?

    Catherine Mallaval
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    Égalités / Économie

    Le régime de séparation de biens se fait au détriment des femmes

    Les couples qui s'apprêtent à se marier optent de plus en plus pour un contrat individualisant leurs patrimoines. Une prise en compte du risque de divorce, mais pas seulement.

    L'égalité salariale n'étant toujours pas atteinte, les femmes épargnent moins pendant la durée du mariage. | epicioci via Pixabay
    L'égalité salariale n'étant toujours pas atteinte, les femmes épargnent moins pendant la durée du mariage. | epicioci via Pixabay

    «Ça peut être un peu perturbant. On n'était même pas mariés que, déjà, on avait un contrat de mariage», se remémore Flore*, 33 ans. Le certificat du notaire établissant le régime matrimonial pour lequel le couple a opté étant inclus dans le dossier déposé à la mairie, en toute logique le contrat de mariage est établi avant l'échange des consentements. «Penser à la possibilité de divorcer et nous retrouver chez le notaire alors qu'on était dans l'euphorie de la préparation du mariage en train de réfléchir à la couleur des chaussures, ça nous avait un peu heurtés. La situation avait un côté très formel. Tu comprends que tu n'es pas dans les sentiments.»

    Cet aspect très pragmatique et contractuel peut aussi faire tiquer les personnes invitées le jour J, lorsque l'officier d'état civil procédant à l'union déclare haut et fort qu'il a été fait un contrat de mariage. Cette formule, et l'argent –tabou ultime– viennent supplanter un instant l'amour dans les esprits des convives. «Au mariage, les gens ont rigolé et j'ai cru que c'était par rapport à ça», se rappelle Flore. En fait, ces rires de l'assistance avaient été provoqués par le nom du notaire, quasi semblable à celui d'un grand couturier.

    La jeune femme, mariée depuis maintenant deux ans, n'était de toute façon absolument pas gênée de s'être décidée, avec son mari, pour la séparation de biens. «Pourquoi est-ce que ce serait mal vu? C'est quand même plus logique. En fait, je ne comprends pas pourquoi on ne ferait pas de contrat. Les époux sont solidaires en ce qui concerne les dépenses, mais dans une juste mesure.»

     

     

     

     

    Son couple est loin d'être le seul à tenir ce raisonnement. Si la majorité des personnes mariées ne rédigent aucun contrat et se satisfont du régime légal, à savoir la communauté de biens réduite aux acquêts, la proportion qui opte pour la séparation de biens est néanmoins croissante.

    En 1998, 61% de l'ensemble des adultes étaient mariés sous le régime de la communauté de biens (universelle ou réduite aux acquêts), contre 48,5% en 2015. «Une baisse assez significative», résume Marion Leturcq, chercheuse en démographie économique à l'Institut national d'études démographiques (Ined), et qui ne s'explique pas seulement par l'apparition du Pacs ni l'augmentation de la cohabitation de fait ou du célibat, ne serait-ce qu'entre un divorce et un remariage.

    À l'opposé, la part des couples mariés en séparation de biens a crû de 64% depuis 1992, passant de 6,1% du total de mariages, quelle que soit l'année de l'union, à près de 10% en 2015. Clairement, ce régime matrimonial plus individualiste gagne du terrain. Ce n'est pas seulement parce que les personnes qui s'apprêtent à se passer la bague au doigt ont conscience du risque de divorce (l'indice de divortialité était, en 2016, de 46,7 pour 100 mariages).

    Ce choix est aussi révélateur de l'évolution de la vision du couple ainsi que des inégalités qui le traversent.

    Simplification du divorce

    Dans le régime matrimonial de la communauté de biens réduite aux acquêts, les biens mobiliers et immobiliers acquis par les époux avant leur union civile restent des biens propres mais les biens acquis après le mariage tout comme leurs revenus (notamment ceux issus du travail) sont communs. En cas de divorce, on divise par deux.

    Impossible pour Flore, peut-être aussi parce qu'elle est «fille de divorcés» et que, dans sa famille, sa grand-mère comme sa mère ou sa sœur ont établi des contrats de mariage. «Quand il y a eu des divorces, ça a plutôt simplifié les choses.»

    «Si on se sépare, je veux que les choses soient hyper carrées comme dans un tableau Excel. Ce n'est pas 50-50.»
    Flore, 33 ans

    L'objectif consiste à se mettre d'accord en amont pour éviter de s'écharper au moment d'une éventuelle séparation sur des questions financières parfois complexes. Ne pas se faire spolier, non plus.

    «Ça ne veut pas dire que tu n'aimes pas la personne. Même si, quand tu te maries, tu te dis que c'est pour la vie, le divorce reste une possibilité, tu ne peux pas t'en prémunir.» Flore était déjà propriétaire d'un appartement quand son couple s'est formé.

     

    Elle a ensuite acheté plus grand, avec son conjoint. «On était propriétaires à deux mais j'avais plus de parts. Lui n'avait pas mis d'apport. Si on se séparait, il avait droit à 15% de l'appartement, c'est-à-dire à la salle de bains. On en rigolait.» Le couple a déménagé (et changé de propriété) après le mariage. C'est pourquoi, derrière la plaisanterie conjugale, sourdait une volonté pragmatique de «protéger [son] patrimoine»: «Si on se sépare, je veux que les choses soient hyper carrées comme dans un tableau Excel. Je ne veux pas qu'on fasse 50-50. Il n'y a pas de raison. J'ai mis plus de 50% de la valeur de l'appartement.»

    Union sentimentale, pas financière

    Au-delà de cet aspect, Flore trouvait aussi qu'il était important pour chaque membre du couple d'avoir «une indépendance financière»: «Je ne vois pas le mariage comme une union financière. Thomas* gagne mieux sa vie que moi, je trouve ça normal qu'il garde son salaire. Je ne me dis pas que son argent est mon argent. Ta thune, c'est ta thune.» Ce qui ne les empêche pas d'avoir un compte commun, sur lequel chacun vire de l'argent tous les mois afin notamment de rembourser le prêt de l'appartement acheté conjointement après leurs épousailles.

    Il en résulte que Thomas, même sans apport initial, détient un certain pourcentage (calculé en fonction de sa participation au remboursement du prêt), mais pas la moitié du bien. Pour lui aussi, cette décision matrimoniale, suggérée par Flore, allait de soi: «On en a parlé un mois après nos fiançailles. Il m'a dit que c'était évident, qu'on était indépendants financièrement. Il l'a très bien pris.» Entre autres parce que, de nos jours, le couple n'est plus synonyme d'une communauté des biens systématique. Dans les têtes, dans les faits comme sur les comptes en banque.

    «Autour de 18% des couples mariés récemment penchent pour la séparation de biens», synthétise la spécialiste des contrats de mariage. Comme elle l'écrivait avec Nicolas Frémeaux dans un article de 2013, «la mise en commun (partielle ou totale) des biens entre conjoints n'est aujourd'hui pas adoptée par une majorité des couples récents». On retrouve cette individualisation du patrimoine conjugal même chez les couples qui se sont mariés en communauté réduite aux acquêts, parmi lesquels «la part en biens propres a augmenté», nous apprend la chercheuse.

    Les biens acquis avant le mariage n'étant pas mis en commun, puisque les mariages ont lieu plus tardivement dans la vie des individus et que la hausse du divorce a aussi induit une hausse des remariages, les futur·es marié·es ont statistiquement, au moment de l'union, plus de patrimoine en leur nom propre. Sans compter que l'héritage, même perçu durant le mariage, est exclu de la communauté. Or «les flux d'héritage ont augmenté, comme l'a démontré Thomas Piketty, indique Marion Leturcq. Aujourd'hui, la valeur totale du patrimoine en France représente six à sept années de revenu national brut. Dans les années 1950-1960, on était entre trois et quatre.»

    Patrimoine augmenté

    Cette augmentation du volume du patrimoine n'a pas qu'une incidence technique sur la proportion des biens individuels au sein des couples mariés en communauté réduite aux acquêts. Elle peut aussi inciter les futurs couples mariés à opter pour un contrat de mariage. On observe une corrélation forte entre héritage ou détention de patrimoine et séparation de biens. «En 1992 comme en 2010, les couples ayant hérité de montants importants sont aussi ceux qui ont plus souvent opté pour un contrat de séparation de biens», peut-on encore lire dans l'article de 2013.

    Le patrimoine moyen des couples formés récemment a augmenté entre 1992 et 2010, passant de 128.000 à 194.000 euros, en parallèle de la hausse du recours à la séparation de biens. En outre, «les couples formés il y a moins de douze ans en 2010, mariés en séparation de biens, détiennent près de 20% du patrimoine total des couples formés au cours des douze années qui précèdent l'enquête, alors qu'ils représentent seulement 6,3% de cette sous-population», notaient Nicolas Frémeaux et Marion Leturcq. Autres chiffres parlants relevés par le duo: en 1992, 16% des couples mariés en séparation de biens déclaraient ne pas posséder de patrimoine au moment de la mise en couple; en 2010, ils n'étaient plus que 7%.

    Plus les sommes en jeu augmentent, plus les couples séparent leurs patrimoines respectifs.

    Cette possession rend «les enjeux liés au patrimoine beaucoup plus importants», souligne la spécialiste d'économie de la famille. «Si c'est pour partager un meuble Ikea, il n'y a pas besoin d'un acte notarié», glisse Flore. D'autant que la communauté de biens laisse subsister des doutes quant au partage en cas de divorce, évoque Marion Leturcq: si l'on hérite par exemple d'un appartement à un moment où il ne vaut pas grand-chose mais que celui-ci a pris de la valeur pendant le mariage, la plus-value immobilière sera-t-elle considérée comme un bien commun ou individuel au moment du divorce?

    Cette question était laissée à l'appréciation des juges et n'a été tranchée par la Cour de Cassation que très récemment, en décembre 2018. On comprend mieux que, lorsque des sommes importantes sont en jeu, les couples aient davantage tendance à séparer leurs patrimoines respectifs afin de s'épargner toute complication lors d'une potentielle séparation.

    Inégalités conjugales

    Outre posséder un certain patrimoine, détenir un capital supérieur à celui de la personne qui partage sa vie peut aussi aiguiller vers la séparation de biens. Si l'on gagne autant, que l'on possède autant, quel intérêt autre que de principe à faire des démarches supplémentaires pour s'éviter d'avoir à diviser par deux en cas de divorce? «En 1992 comme en 2010, les couples les plus inégaux sont les mariés en séparation de biens, souligne encore l'article: 49% des hommes et 29% des femmes mariés en séparation de biens possèdent à la rencontre un patrimoine supérieur à celui de leur conjointe.»

    «Ces proportions sont respectivement autour de 30% et 20% pour les autres couples», constatait le binôme à l'origine de l'article. Il est en outre avéré que «lorsque la femme détient un patrimoine supérieur au moment de la mise en couple, le recours à la séparation des biens est plus fort, en 1992 comme en 2010», alors que «les inégalités en faveur de l'homme produisent un effet similaire mais d'une ampleur plus faible».

    Cet aspect genré fait sens dans une société patriarcale. Quand on est une femme qui a le privilège d'avoir une bonne rémunération ou d'appartenir à une famille qui détient du patrimoine, on a tendance à ne pas vouloir en être dépossédée si jamais le couple se brise. Sauf que cet écart femmes-hommes s'est quelque peu «nivelé» en 2015, nous précise Marion Leturcq.

    Si la séparation de biens reflète une vision plus individualiste du couple, elle se fait au détriment des femmes.

    Cette adoption de la séparation de biens n'a rien d'un phénomène qui participe du rétablissement de l'égalité femmes-hommes. Au contraire. «Le revers de la médaille, ce sont des inégalités patrimoniales entre hommes et femmes», déplore la chercheuse à l'Ined. L'égalité salariale n'étant toujours pas atteinte, l'épargne est moindre du côté des femmes. Et «la redistribution au sein des ménages opère de moins en moins». Ce qui «aboutit à une accumulation du patrimoine moins forte au bout du compte».

    Certes, au cours du mariage, la détention de parts moins importantes d'un bien immobilier n'empêche pas l'un·e des conjoint·es d'avoir l'usage de l'ensemble dudit bien, si l'on s'en tient à l'aspect quantitatif; reste que les inégalités patrimoniales s'accroissent entre hommes et femmes. «En 2010, en France, [le patrimoine] d'une femme est environ 13% moindre que celui d'un homme. Cet écart a eu tendance à se renforcer, puisqu'il était de l'ordre de 8,4% en 1998», alertait le duo responsable de la recherche dans une tribune parue dans Le Monde en 2018. Si la séparation de biens reflète une vision plus individualiste du couple, qu'il convient d'accepter, ses conséquences sociétales, au détriment des femmes, ne doivent pas pour autant être ignorées.

    * Le prénom a été changé.

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    L'espace de quelques jours, elle est devenue la star de Twitter, que ce soit pour récolter les louanges ou les quolibets. Le 8 août dernier, @louzlapoetesse, de son pseudo, affirme s'être "fait jeter du parc Aqualand de Saint-Cyprien", dans les Pyrénées-Orientales, en raison de sa tenue : un burkini, "autrement dit : un maillot de bain couvrant jambes et bras".

     

    Le message, massivement relayé sur le réseau social, prend très vite une large ampleur. Partagé plusieurs milliers de fois, il provoque les réactions d'internautes anonymes mais aussi de personnalités identifiées : ainsi Nadine Morano invite Louz à "[prendre] un avion et [retourner] en Algérie", tandis que le président du parti Les Patriotes Florian Philippot se demande s'il y a "des Aqualand en Arabie". A l'inverse, l'association "féministe musulmane" Lallab se porte au soutien de la jeune femme, affirmant qu'il est "inacceptable que des femmes soient exclues des activités estivales comme la baignade en raison de leurs vêtements" et sollicitant directement la secrétaire d'Etat à l'égalité femmes-hommes, Marlène Schiappa.

    Plusieurs organes de presse décident également de consacrer un article à l'affaire, dans la torpeur du mois d'août. RTL titre son papier "Une musulmane raconte avoir été exclue d'un Aqualand, Morano et Philippot s'en mêlent", en choisissant de se focaliser sur les critiques tweetées par les politiques. Le Midi Libre s'est également fendu d'un article, plus fouillé, de même que les sites de Russia Today, Sputnik et Valeurs actuelles. Buzz sur les réseaux sociaux, réactions en pagaille, traitement médiatique : @louzlapoetesse a réussi son coup.

    Militante décoloniale

    Car lorsque l'on s'y attarde un instant, la démarche de cette étudiante de 22 ans semble moins être l’œuvre d'une "musulmane" victime de discrimination que d'une militante politique déterminée à créer une polémique. Sur son profil Twitter, Louz se définit comme "Africaine, berbère d'Algérie, décolonialement et féministement voilée". Elle semble être membre de Nta Rajel, un "collectif féministe de politique décoloniale de la diaspora nord-africaine en France" . Son activité sur Internet témoigne effectivement d'une adhésion à une vision racialiste de la société. La jeune femme se déclare ainsi "incapable d'envisager de [se] marier à un blanc", déclare d'ailleurs détester "les Blancs" ou encore affirme que "le féminisme blanc est un cancer". En août 2017, rentrant d’un séjour au Maroc, elle se disait excédée par « les touristes blancs », déplorant « les mœurs violées » dans le pays d’Afrique du Nord. Répondant à un message proposant d'ériger un "top 3" de pléonasmes, Louz écrit : "Blanc raciste, homme cis sexiste, femme blanche islamophobe"...

    Louz semble également coutumière du fait de se rendre dans des lieux de baignade vêtue d'un burkini. La technique est éprouvée, notamment par les militants les plus chevronnés du Collectif contre l'islamophobie en France (CCIF) : élaborer des mises en scène pour provoquer des troubles puis les médiatiser afin de mettre en accusation la France et ses règles "racistes" ou "islamophobes". Dès avril 2017, Louz répondait à un tweet de Marine Le Pen promettant que le burkini serait interdit sur les plages, en écrivant : "On voit ça cet été ma biche ! Promis je fais un max de plages françaises en burkini."

    Deux mois plus tard, la militante décoloniale attendait les vacances avec impatience : "Bientôt l'été. Hâte de faire les plages françaises en burkini. On va s'amuser." Après avoir repéré des messages consacrés à l'espace de baignade naturelle de Lorette, qui proscrivait le burkini, Louz promettait : "Bon bah je sais où débarquer en burkini cet été. Je rigole même pas." Un an plus tard, elle sollicitait de l'aide pour se procurer un nouvel exemplaire du maillot de bain islamique.

    Des techniques pour une polémique

    L'enchaînement de tweets de @louzlapoetesse pour dénoncer son exclusion de l'Aqualand de Saint-Cyprien constitue d'ailleurs un modèle éloquent des stratégies militantes mobilisées pour créer ce type de buzz. Première étape : déformer les faits ayant donné naissance à la polémique. Dans son fil Twitter, Louiz écrit : "Je viens de me faire jeter du parc Aqualand de St Cyprien parce que je porte un burkini", avant d'ajouter qu'"en France, en 2019, on interdit l’accès à des endroits aux femmes en raison de leur confession et de leur genre." Pourtant, le règlement intérieur, que la jeune femme cite, ne s'en prend bien sûr pas aux femmes musulmanes, pas plus qu'il n'interdit spécifiquement les burkinis. Il précise simplement que toute tenue couvrante est interdite dans les attractions. D'après Louz, cela constitue une astuce "rhétorique pour ne pas assumer l’islamophobie", consistant à "nommer ce qui est autorisé : tout sauf le burkini."

    Un jugement bien éloigné de la vérité : interrogé par L'Indépendant, le directeur d'exploitation du parc aquatique rappelle que "ce n'est pas un problème d'hygiène" mais "une question sécuritaire. Plus il y a de tissus, plus il y a un risque d'échauffement, notamment au niveau des coudes et des genoux sur les toboggans. Voilà pourquoi on ne tolère pas toutes les tenues, dites de surfeur, et pas seulement le burkini, qui vont au-delà des coudes et genoux." On est donc bien loin de l'acharnement discriminatoire, d'autant que seul l'accès aux toboggans était interdit, comme cela aurait été le cas "avec des Asiatiques ou des Scandinaves dans la même situation", la déambulation dans le parc restant autorisée. L'étudiante a pourtant choisi de quitter l'Aqualand, et les entrées de sa famille ont été remboursées. "Tous les règlements du monde doivent se plier aux droits des femmes, ne t’en déplaise", a-t-elle tenté de se justifier a posteriori, dans une réponse à un message sur Twitter.

    Deuxième technique : l'utilisation d'une figure enfantine, toujours efficace pour en rajouter dans le pathos. Louz évoque ici sa "nièce de 4 ans qui pleure depuis 25 minutes" à cause de la prétendue "exclusion" de l'Aqualand. "J’explique comment à ma nièce de 4 ans que je ne peux pas l’emmener à Aqualand parce que je suis musulmane ?", se plaint l'étudiante. Là encore, d'autres militants ont eu recours avant elle à cette présentation sentimentalisante. Ainsi, lors de la récente polémique autour du burkini à Grenoble, une militante d'Alliance citoyenne avait confié à 20 minutes : "L’an passé, j’ai voulu accompagner mon fils à la piscine pour qu’il se baigne comme tous ses copains. On m’a refusé l’accès car je porte le maillot couvrant. Pendant tout le trajet du retour, mon fils a pleuré. Dimanche, j’ai pu nager avec eux, comme tout le monde. Ils étaient heureux, et du coup moi aussi".

    L'appel à la mobilisation, voire au harcèlement, est une autre habitude. "SVP : appelez les, envoyez un mail et allez mettre des avis négatifs à ces racistes", enjoint Louz aux lecteurs de ses tweets, comme lorsque des militants islamistes avaient appelé à inonder Décathlon de coups de fil dans l'affaire du hijab de course en février dernier.

    Enfin, le fil rouge de ces indignations numériques reste bien sûr l'exagération constante dans les termes et les jugements : les hyperboles à répétition radicalisant les soutiens comme les critiques, elles décuplent les chances de succès de la polémique. L'étudiante n'a pas lésiné, dénonçant "des règlements intérieurs dignes d’apartheid", le fait d'être "traitée comme un animal (...) du fait de ma confession et de mon genre", ou convoquant carrément les mânes "colonialisme [qui] n'a jamais pris fin", évoquant "les corps des femmes racisées (...) contrôlés par des institutions". Des sophismes en pagaille qui, s'ils n'ont pas rendu son témoignage crédible, ont permis à la militante décoloniale de produire une agitation médiatique pendant quelques jours. A l'année prochaine ?

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