• Le "scandale" du burkini interdit à Aqualand ou comment monter une polémique médiatique en plein été

     

     

     

    L'espace de quelques jours, elle est devenue la star de Twitter, que ce soit pour récolter les louanges ou les quolibets. Le 8 août dernier, @louzlapoetesse, de son pseudo, affirme s'être "fait jeter du parc Aqualand de Saint-Cyprien", dans les Pyrénées-Orientales, en raison de sa tenue : un burkini, "autrement dit : un maillot de bain couvrant jambes et bras".

     

    Le message, massivement relayé sur le réseau social, prend très vite une large ampleur. Partagé plusieurs milliers de fois, il provoque les réactions d'internautes anonymes mais aussi de personnalités identifiées : ainsi Nadine Morano invite Louz à "[prendre] un avion et [retourner] en Algérie", tandis que le président du parti Les Patriotes Florian Philippot se demande s'il y a "des Aqualand en Arabie". A l'inverse, l'association "féministe musulmane" Lallab se porte au soutien de la jeune femme, affirmant qu'il est "inacceptable que des femmes soient exclues des activités estivales comme la baignade en raison de leurs vêtements" et sollicitant directement la secrétaire d'Etat à l'égalité femmes-hommes, Marlène Schiappa.

    Plusieurs organes de presse décident également de consacrer un article à l'affaire, dans la torpeur du mois d'août. RTL titre son papier "Une musulmane raconte avoir été exclue d'un Aqualand, Morano et Philippot s'en mêlent", en choisissant de se focaliser sur les critiques tweetées par les politiques. Le Midi Libre s'est également fendu d'un article, plus fouillé, de même que les sites de Russia Today, Sputnik et Valeurs actuelles. Buzz sur les réseaux sociaux, réactions en pagaille, traitement médiatique : @louzlapoetesse a réussi son coup.

    Militante décoloniale

    Car lorsque l'on s'y attarde un instant, la démarche de cette étudiante de 22 ans semble moins être l’œuvre d'une "musulmane" victime de discrimination que d'une militante politique déterminée à créer une polémique. Sur son profil Twitter, Louz se définit comme "Africaine, berbère d'Algérie, décolonialement et féministement voilée". Elle semble être membre de Nta Rajel, un "collectif féministe de politique décoloniale de la diaspora nord-africaine en France" . Son activité sur Internet témoigne effectivement d'une adhésion à une vision racialiste de la société. La jeune femme se déclare ainsi "incapable d'envisager de [se] marier à un blanc", déclare d'ailleurs détester "les Blancs" ou encore affirme que "le féminisme blanc est un cancer". En août 2017, rentrant d’un séjour au Maroc, elle se disait excédée par « les touristes blancs », déplorant « les mœurs violées » dans le pays d’Afrique du Nord. Répondant à un message proposant d'ériger un "top 3" de pléonasmes, Louz écrit : "Blanc raciste, homme cis sexiste, femme blanche islamophobe"...

    Louz semble également coutumière du fait de se rendre dans des lieux de baignade vêtue d'un burkini. La technique est éprouvée, notamment par les militants les plus chevronnés du Collectif contre l'islamophobie en France (CCIF) : élaborer des mises en scène pour provoquer des troubles puis les médiatiser afin de mettre en accusation la France et ses règles "racistes" ou "islamophobes". Dès avril 2017, Louz répondait à un tweet de Marine Le Pen promettant que le burkini serait interdit sur les plages, en écrivant : "On voit ça cet été ma biche ! Promis je fais un max de plages françaises en burkini."

    Deux mois plus tard, la militante décoloniale attendait les vacances avec impatience : "Bientôt l'été. Hâte de faire les plages françaises en burkini. On va s'amuser." Après avoir repéré des messages consacrés à l'espace de baignade naturelle de Lorette, qui proscrivait le burkini, Louz promettait : "Bon bah je sais où débarquer en burkini cet été. Je rigole même pas." Un an plus tard, elle sollicitait de l'aide pour se procurer un nouvel exemplaire du maillot de bain islamique.

    Des techniques pour une polémique

    L'enchaînement de tweets de @louzlapoetesse pour dénoncer son exclusion de l'Aqualand de Saint-Cyprien constitue d'ailleurs un modèle éloquent des stratégies militantes mobilisées pour créer ce type de buzz. Première étape : déformer les faits ayant donné naissance à la polémique. Dans son fil Twitter, Louiz écrit : "Je viens de me faire jeter du parc Aqualand de St Cyprien parce que je porte un burkini", avant d'ajouter qu'"en France, en 2019, on interdit l’accès à des endroits aux femmes en raison de leur confession et de leur genre." Pourtant, le règlement intérieur, que la jeune femme cite, ne s'en prend bien sûr pas aux femmes musulmanes, pas plus qu'il n'interdit spécifiquement les burkinis. Il précise simplement que toute tenue couvrante est interdite dans les attractions. D'après Louz, cela constitue une astuce "rhétorique pour ne pas assumer l’islamophobie", consistant à "nommer ce qui est autorisé : tout sauf le burkini."

    Un jugement bien éloigné de la vérité : interrogé par L'Indépendant, le directeur d'exploitation du parc aquatique rappelle que "ce n'est pas un problème d'hygiène" mais "une question sécuritaire. Plus il y a de tissus, plus il y a un risque d'échauffement, notamment au niveau des coudes et des genoux sur les toboggans. Voilà pourquoi on ne tolère pas toutes les tenues, dites de surfeur, et pas seulement le burkini, qui vont au-delà des coudes et genoux." On est donc bien loin de l'acharnement discriminatoire, d'autant que seul l'accès aux toboggans était interdit, comme cela aurait été le cas "avec des Asiatiques ou des Scandinaves dans la même situation", la déambulation dans le parc restant autorisée. L'étudiante a pourtant choisi de quitter l'Aqualand, et les entrées de sa famille ont été remboursées. "Tous les règlements du monde doivent se plier aux droits des femmes, ne t’en déplaise", a-t-elle tenté de se justifier a posteriori, dans une réponse à un message sur Twitter.

    Deuxième technique : l'utilisation d'une figure enfantine, toujours efficace pour en rajouter dans le pathos. Louz évoque ici sa "nièce de 4 ans qui pleure depuis 25 minutes" à cause de la prétendue "exclusion" de l'Aqualand. "J’explique comment à ma nièce de 4 ans que je ne peux pas l’emmener à Aqualand parce que je suis musulmane ?", se plaint l'étudiante. Là encore, d'autres militants ont eu recours avant elle à cette présentation sentimentalisante. Ainsi, lors de la récente polémique autour du burkini à Grenoble, une militante d'Alliance citoyenne avait confié à 20 minutes : "L’an passé, j’ai voulu accompagner mon fils à la piscine pour qu’il se baigne comme tous ses copains. On m’a refusé l’accès car je porte le maillot couvrant. Pendant tout le trajet du retour, mon fils a pleuré. Dimanche, j’ai pu nager avec eux, comme tout le monde. Ils étaient heureux, et du coup moi aussi".

    L'appel à la mobilisation, voire au harcèlement, est une autre habitude. "SVP : appelez les, envoyez un mail et allez mettre des avis négatifs à ces racistes", enjoint Louz aux lecteurs de ses tweets, comme lorsque des militants islamistes avaient appelé à inonder Décathlon de coups de fil dans l'affaire du hijab de course en février dernier.

    Enfin, le fil rouge de ces indignations numériques reste bien sûr l'exagération constante dans les termes et les jugements : les hyperboles à répétition radicalisant les soutiens comme les critiques, elles décuplent les chances de succès de la polémique. L'étudiante n'a pas lésiné, dénonçant "des règlements intérieurs dignes d’apartheid", le fait d'être "traitée comme un animal (...) du fait de ma confession et de mon genre", ou convoquant carrément les mânes "colonialisme [qui] n'a jamais pris fin", évoquant "les corps des femmes racisées (...) contrôlés par des institutions". Des sophismes en pagaille qui, s'ils n'ont pas rendu son témoignage crédible, ont permis à la militante décoloniale de produire une agitation médiatique pendant quelques jours. A l'année prochaine ?

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