• Où en est-on dans le feuilleton du glyphosate ?

     

    Où en est-on dans le feuilleton du glyphosate ?

    Alice Vitard , , ,

    Publié le 24/07/2019 À 11H04, mis à jour le 30/07/2019 À 09H49

     

    Le glyphosate, principe actif du Roundup de l'américain Monsanto, est toujours au cœur de nombreuses controverses, de part et d'autre de l'Atlantique. Les études scientifiques s'entassent, voire se contredisent, alors que Bayer, géant allemand de la chimie et nouveau propriétaire de Monsanto, continue de défendre cet herbicide. Retour sur cette série, qui n'a rien à envier aux best-sellers de Netflix.  

     

    Où en est-on dans le feuilleton du glyphosate ? Les études scientifiques se suivent mais ne se ressemblent pas. © Jean-Louis Salque

     

     

    Ce 24 juillet, la Mission d’information commune sur le suivi de la stratégie de sortie du fameux pesticide glyphosate, menée par des députés, poursuit ses auditions. Objectif, vérifier l'effectivité du plan du gouvernement visant à sortir la France de l'utilisation du glyphosate d'ici juillet 2021 au plus tard, comme l'a voulu Emmanuel Macron. Le 19 juillet, à la demande du gouvernement, l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES) a pour sa part lancé un appel à candidature pour mener une nouvelle étude sur la cancérogénicité du célèbre glyphosate. Encore une…

     

    Il faut dire qu'avec le temps les études s'amoncèlent, se contredisent et, parfois même, s'opposent totalement. La politique tergiverse. Et, les tribunaux, de leur côté, ont la délicate tâche d'évaluer la responsabilité de Monsanto, l'agrochimiste à l'origine de cette molécule, dans les pathologies développées par les plaignants. Alors, où en est-on dans le feuilleton du glyphosate, actif principal du Roundup, désormais propriété du géant allemand Bayer ?

     

     

    Le CIRC et les agences européennes continuent de s'opposer

     

    Le Centre national de recherche contre le cancer (CIRC), organe dépendant de l'Organisation mondiale de la santé (OMS), classe depuis mars 2015 le glyphosate comme "cancérigène probable" (groupe 2A).

     

    Les autorités européennes - l'EFSA et l'ECHA- estiment que, au contraire, l'herbicide est peu susceptible de présenter un risque cancérogène. Conséquence de quoi, l'autorisation européenne pour le glyphosate a été renouvelée en décembre 2017 pour cinq ans, contre dix ans initialement prévus. En vue de cette échéance, l'Union européenne a demandé à un Etat de devenir rapporteur du sujet. Aucun n'a répondu positivement. Le comité technique sur les produits phytosanitaire a alors désigné, en avril 2019, quatre pays dont la France pour remplir cette mission.

     

    L'Autriche, seul Etat de l'Union européenne, à interdire le glyphosate

     

    En France d'ailleurs, le gouvernement n'a cessé de changer d'avis à ce propos. En novembre 2017, le président Emmanuel Macron avait promis d'interdire le glyphosate "au plus tard dans trois ans" si des alternatives étaient disponibles. Début 2019, il revient sur ses propos en admettant qu'il est impossible d'en éradiquer totalement l'usage d'ici janvier 2021. Dans le même temps, François de Rugy, alors ministre de la Transition écologique et solidaire, confirme, sur le plateau d'Envoyé Spécial, l'engagement de la France pour éradiquer l'utilisation du glyphosate d'ici à 2021.

     

    Pour l'instant, un seul pays de l'Union européenne a pris le parti d'interdire totalement l'herbicide controversé : l'Autriche. Début juillet 2019, son Parlement a justifié cette abolition par le "principe de précaution". Cette décision a provoqué de nombreux débats, notamment sur la conformité avec la réglementation européenne. En effet, cette dernière prévoit que la licence d'utilisation du glyphosate dans l'Union européenne court jusqu'en décembre 2022.

     

    Il ne s'avère pas forcément facile pour les Etats de se positionner vu le nombre d'études à ce sujet.

     

    Des études qui ne se suivent mais ne se ressemblent pas 

     

    Impossible de compiler l'ensemble des études qui ont été menées sur le glyphosate. Elles sont bien trop nombreuses et surtout, elles se contredisent très souvent. En mai 2019, un rapport de l'Office parlementaire chargé de l'évaluation des choix scientifiques tentait d'expliquer ces divergences. Il pointe "une différence d'approche fondamentale entre le danger et le risque". L'OMS s'intéresserait plutôt à la question du danger tandis que les agences européennes se concentreraient sur le risque.

     

    En 2015, l'Agence européenne de sécurité des aliments estime que le risque cancérogène est improbable. En mai 2016, l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture et l'OMS ont publié une étude dans laquelle elles jugent "peu probable" que le glyphosate soit cancérigène "chez les humains qui en seraient exposés par l'alimentation". Mais, certaines études établissent un lien de causalité ou, du moins, de corrélation. 

     

    En février 2019, un groupe de chercheurs a publié une étude dans la revue Elsevier selon laquelle l'exposition au glyphosate augmenterait de 41 % le risque de lymphome non hodgkinien. Mais, cela ne concerne alors que les personnes exposées à cet herbicide durant leur vie professionnelle. Et c'est là que se situe la complexité : les études choisissent des cohortes, des niveaux et des durées d'exposition différentes. Cette situation amène parfois à comparer l'incomparable. Cela n'a pas empêché les tribunaux à devoir se positionner sur ce sujet, particulièrement en France et aux Etats-Unis.

     

    Les Etats-Unis, noyau dur de la contestation

     

    Aux Etats-Unis, le groupe allemand Monsanto devait faire face à 13 400 actions en justice. Ce chiffre a été revu à la hausse le 30 juillet 2019. Il s'agit désormais de 18 400 requêtes. Dernier événement en date : le 26 juillet 2019, un juge américain a fortement revu à la baisse les montants de dommages et intérêts, infligés à Monsanto en mai dernier. Ils ont été réduits de 2 milliards à 86,7 millions de dollars, pour les époux Alva et Alberta Pilliod, deux septuagénaires atteints d'un lymphome non-hodgkinien qu'ils attribuent à leur utilisation du Roundup. Ce n'est pas la première fois qu'un juge baisse cette somme. 

     

    Le 15 juillet 2019, un juge du district de San Francisco a récemment revu à la baisse le montant des dommages et intérêts dû par Bayer, de 75 à 22 millions d'euros. La raison : la violation d'un principe constitutionnel qui fixerait de 1 à 9 au maximum le rapport entre dommages compensatoires et dommages punitifs. Mais Monsanto a déjà été condamné à plusieurs reprises par la justice américaine.

     

    En août 2018 et mars 2019, la firme avait été condamnée par deux fois à San Francisco. Les jurys populaires ont considéré que le désherbant était responsable des cancers de deux personnes et que Monsanto n'avait pas pris les mesures nécessaires pour avertir des risques potentiels.

     

    Monsanto nie en bloc son implication dans les symptômes de Paul françois

     

    En France, le combat judiciaire fait également rage. Le 22 juillet 2019, Bayer s'est pourvu en cassation contre l'arrêt de la Cour d'appel de Lyon. Cette juridiction l'avait en partie reconnue responsable de l'intoxication de l'agriculteur charentais Paul François. Ce dernier a inhalé accidentellement de l'herbicide Lasso produite par la multinationale et l'accuse de ses troubles neurologiques et organiques. Monsanto nie en bloc le lien entre l'inhalation de son produit et les troubles décrits par le plaignant.

     

    Les industriels peinent encore à se mobiliser

     

    En novembre 2017, l'Institut national de la recherche agronomique (INRA) a publié une étude dans laquelle il envisage les alternatives possibles au glyphosate. Bien que des pistes existent, il n'y a pas de "solution miracle". Cette transition demande de la patience : " la réflexion sur la transition vers la sortie du glyphosate doit donc se faire sur une échelle de temps qui prend en compte la mise en œuvre de ces techniques alternatives".

     

    Reste aux industriels de se mobiliser. Or, l'Union des Industries de la protection des plantes (UIPP), lors de sa conférence annuelle de 2018, avait déclaré qu'"Il faut en moyenne 10 à 12 ans pour développer et commercialiser un nouveau produit". La route est encore semée d'embuches pour sortir du glyphosate…

    « L'accès à l'usine Monsanto de Peyrehorade bloqué par des militants altermondialistesL'accès à l'usine Monsanto de Peyrehorade bloqué par des militants altermondialistes »
    Partager via Gmail

    Tags Tags : , , , , , , , , , ,
  • Commentaires

    Aucun commentaire pour le moment

    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :