• “Nous sommes vraiment dans un état de lâcheté terrible en abandonnant les Kurdes”

    Metz : “Nous sommes vraiment dans un état de lâcheté terrible en abandonnant les Kurdes” dénonce le Dr Raphaël Pitti

    A plusieurs reprises, Raphaël Pitti a réalisé des missions humanitaires en Syrie. / © Raphaël PittiA plusieurs reprises, Raphaël Pitti a réalisé des missions humanitaires en Syrie. / © Raphaël Pitti

    Raphaël Pitti a réalisé plusieurs missions humanitaires en Syrie. C’est un lieu qu’il connaît bien et ses relations sur place lui permettent de se tenir informé de l'offensive turque contre les Kurdes dans le Nord de la Syrie. Une offensive qu’il condamne ce dimanche 13 octobre.

    Par Jean-Christophe Panek Publié le 13/10/2019 à 16:36 Mis à jour le 14/10/2019 à 15:22

    Alors que le conflit s'amplifie entre forces Turques et Kurdes, nous avons demandé au Professeur Raphaël Pitti, ancien médecin militaire urgentiste à Metz qui connait bien cette zone de conflit de réagir à la situation.

    J’imagine que vous vous tenez informé de la situation sur place. Quelles sont les dernières nouvelles en votre possession?

    - Le bilan de ces cinq jours d’invasion de l’armée tuque en Syrie est terrible : 100 combattants des Forces démocratiques syriennes tués, 200 civils tués et blessés, 1000 djihadistes évadés de prisons et 130 000 civils déplacés. Actuellement, on me fait part d’affrontements intenses à Tall Abyad et Ra’s al-‘Ayn. Je suis en contact par WhatsApp. Les gens avec qui j’échange sur place sont extrêmement inquiets. Les civils paient un très lourd tribut à cette offensive turque. Hier par exemple, j’ai reçu des photos qui montraient tout un troupeau de moutons attaqué. Le gardien a été tué et le propriétaire blessé. On m’a également fait part des événements concernant une leader politique, très respectée de la cause kurde. Elle a été arrêtée près de Tall Abyad en Syrie alors qu’elle circulait en voiture. Elle a été fusillée sur place. C’est constamment que je reçois des informations de cette nature…
     
    Des voix s’élèvent néanmoins un peu partout contre cette offensive turque mais pas de voix assez forte pour condamner selon vous?

    - Oui, tout à fait. On est tous choqué… Il faut que ces bombardements cessent ! Il y a manifestement une entente entre Poutine, Trump et Erdogan au dépend des Kurdes qui se sont battus à notre place contre Daesh. J’ai été à Kobané au mémorial de tous ces jeunes qui sont morts en combattant contre Daesh. C’est très impressionnant, c’est très émouvant de voir ces murs couverts de visages. Ils ont donné leur vie ! Je me suis également rendu au cimetière de Dêrik… Il y a des tombes qui s’alignent comme à Verdun. C’est d’une tristesse épouvantable de voir les jeunes enterrer leurs camarades. A Raka, j’ai vu ces jeunes qui partaient au combat sans gilets par balles… Ils se jetaient contre Daesh avec une véritable force et une volonté de les battre. Je trouve que nous sommes vraiment dans un état de lâcheté terrible en abandonnant les Kurdes. Tout particulièrement les américains, c’est honteux ! Les américains qui étaient à priori les fers de lance de la liberté et de la démocratie… Là, ils nous donnent une leçon qui n’est pas sans nous faire peur pour nous-mêmes! Demain, si l’Europe est attaquée, devons-nous encore croire à Trump et aux Américains pour nous défendre. C’est un vrai problème dans le monde d’aujourd’hui.

    Et la France? Que peut-elle faire?

    - La France essaye de faire entendre sa voix. L’Allemagne a arrêté la vente d’armes à la Turquie, la France a emboîté le pas. La France ne peut rien seule, nous ne représentons pas une force suffisante. C’est l’Europe et le monde occidental, tous ceux qui sont épris de liberté et d’honneur qui doivent se mobiliser pour cesser cette attaque contre les Kurdes. Il faut mettre en place des sanctions économiques très rapidement comme le transfert d’argent des Turques expatriés et cesser les ventes d’armes. Il faudra aussi augmenter les sanctions économiques vis-à-vis de la Turquie en fonction de l’évolution du conflit.

    Et au quotidien, vous appelez aussi à une mobilisation?

    - Il est important de dire que nous sommes avec eux! Il ne faut pas que les Kurdes se sentent abandonné. J’ai été six fois dans le Kurdistan Syrien, j’ai pu me déplacer et rencontrer beaucoup de chrétiens. Il y a une vraie volonté chez les Kurdes de vivre ensemble et dans la paix… C’est un exemple. Ils se sont battus pour préserver les Yézidis de Daesh… N’oublions pas que les chrétiens sont eux aussi menacés! Aujourd’hui, avec cette offensive d'Erdogan, tout est fait pour que les populations, les ethnies et les communautés se déchirent et continuent de se déchirer.
     

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