• Médecin au féminin, les pionnières sont nées à Montpellier

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    Médecin au féminin, les pionnières sont nées à Montpellier

    La célébration des 800 ans de la faculté de médecine de Montpellier lève le voile sur une histoire méconnue, la ténacité des premières doctoresses diplômées, à la fin du XIXe siècle, dans une époque qui s’ouvre timidement à l’émancipation féminine.

    Elles s’appellent Agnes, Raïssa, Glafira, Hélène, Lydia, Madeleine, et racontent une histoire passionnante, réhabilitée à l’occasion du 800e anniversaire de la faculté de médecine de Montpellier. Le parcours exceptionnel et rare des premières femmes médecins diplômées.

    Avec Agnes, à prononcer avec un “g” guttural qui la distingue de la candide Agnès de l’École des femmes de Molière. Avec Raïssa et Glafira, parties d’Orenbourg, en Russie, pour étudier à Montpellier au fil d’une singulière épopée qui n’a rien d’une romance. Dans la seconde moitié du XIXe siècle, l’Écossaise Agnes McLaren, les Russes Raïssa Lesk, Glafira Ziegelmann, Hélène Feyguine, les Gardoises Lydia Mazel et Madeleine Brès ouvrent la voie très étroite de l’accès de femmes aux études de médecine.

    On part de loin. Il faut lire un article du docteur Fiessinger, membre de l’Académie, dans La médecine moderne, en 1900, pour le comprendre. Dans “L’inaptitude médicale des femmes”, l’auteur de l’opus accumule les clichés sexistes sur ses "confrères en jupons" physiquement "infirmes", dépourvues d’un "cerveau de praticien".

    Elles exerceront donc dans leur "domaine, les maladies des femmes et des enfants", et seront au mieux compétentes comme "garde-malade".

    Diplômée à 41 ans

    En 1878, dix ans après l’ouverture des facultés de médecine de aux femmes, Agnes McLaren est la première diplômée à Montpellier. Elle a 41 ans, et consacre sa thèse aux "flexions de l’utérus". "Les pionnières sont souvent âgées, leur parcours a été compliqué", confirme l’historienne Madeleine Nouvel, qui constate également qu’on "cantonnera longtemps les femmes à des problématiques féminines, d’autant plus facilement que ces sujets sont considérés comme secondaires en médecine". Et qu’il y a un besoin, dans "le contexte de la colonisation" : "Les médecins hommes ne pouvaient pas soigner les femmes", explique Madeleine Nouvel. "Les lois", "les guerres", y contribueront aussi.

    Les pionnières sont des étrangères : il faut le baccalauréat pour s’inscrire à la faculté, et si Montpellier est la première ville de France, hors Paris, à ouvrir un lycée de filles (l’actuel lycée Clemenceau), en 1882, la France est à la traîne et le programme, (couture et économie domestique) ne prépare pas aux études. "En 1924, une loi harmonise les programmes", précise Maguelone Nouvel.

    Les pionnières dans la région. Les pionnières dans la région. - MIDI LIBRE - S. W.

    Besoin d'un soutien familial et de lettres de recommandation

    Pour devenir médecin, Lydia Mazel, née à Congénies (Gard) en 1886, est partie faire des études dans un pensionnat à Agen, et elle doit son arrivée à la faculté de médecine de Montpellier, en 1905, à l’obstination d’un grand-père. "Les pionnières avaient besoin d’un soutien familial et de lettres de recommandation", précise l’historienne. "Il fallait qu’elles soient extrêmement déterminées, et qu’elles aient le soutien des hommes", ajoute Caroline Fabre-Rousseau, auteur du livre Elles venaient d’Orenbourg, qui suit le destin de Raïssa Lesk, et Glafira Ziegelmann.

    Pour attirer les femmes autorisées à “faire” médecine, Montpellier a des atouts : "Les parents ne voulaient pas envoyer leurs filles à Paris, elles y étaient très chahutées", rapporte la romancière. Elle salue la qualité de l’enseignement, les femmes "apprenaient comme les hommes et disséquaient des cadavres à une époque où le rapport au corps n’était pas évident, on retournait les sculptures de nus quand une jeune fille entrait dans une pièce !"

    Ses héroïnes ont des destins différents. On découvrira à Raïssa Lesk une "faiblesse cardiaque" qui l’obligera à arrêter ses études. C’est son fils, Joseph Kessel, et son petit-fils, Maurice Druon, qui resteront dans l’histoire. Glafira Ziegelmann a été la première chef de clinique montpelliéraine en 1903. Première femme admissible à l’agrégation, elle ne pourra pas passer l’oral, à Paris, parce qu’elle était une femme.

    Le fabuleux destin d'Agnes et de Raïssa

    Caroline de Bladis a découvert Agnes McLaren peu après son arrivée à Montpellier, où elle s’installe à la retraite, en 2015 : "À l’occasion d’une visite de la faculté de médecine, mon mari est tombé sur une alcôve avec sa photo, avec une légende indiquant qu’elle était la première femme diplômée à Montpellier. Elle était Écossaise, comme nous, j’ai eu envie d’en savoir plus."

    Caroline Fabre-Rousseau, romancière, se souvient, de son côté, être partie sur les traces de Glafira Ziegelmann et de Raïssa Lesk à l’issue d’une conférence de l’ex-doyen de la faculté de médecine, Jacques Bringer.

    Toutes deux ont plongé dans l’histoire oubliée, jusqu’à Londres pour Caroline de Bladis, dans les archives de la Medical Mission Sisters, l’institution née du combat d’Agnes McLaren pour la santé des plus fragiles. Auprès des héritiers de Glafira Ziegelmann et notamment de sa petite-fille pour Caroline Fabre-Rousseau, qui a eu accès à des documents inédits.

    Elles en se sont pas croisées à Montpellier

    Les deux pionnières ne se sont pas croisées à Montpellier : après sa thèse, en 1878, l’Écossaise ouvre un cabinet à Cannes, puis multiplie les séjours en Inde où elle fonde et finance l’hôpital Sainte-Catherine, elle meurt à Antibes en 1913.
    Elle est loin de Montpellier quand Glafira Ziegelmann arrive, en 1893, puis fait carrière avec son époux, Amans Gaussel, également médecin. Gynécologue renommée, elle décède en 1935.

    Que nous lèguent-elles ? "Agnes était très préoccupée par le vote des femmes, leurs droits. C’est un exemple aujourd’hui encore, à une époque où ce n’est jamais acquis pour les femmes", commente Caroline de Bladis, ravie d’avoir sorti l’Écossaise "de l’ombre".

    "Aujourd’hui encore, les femmes doivent être extrêmement déterminées, et soutenues", soutient, en écho, Caroline Fabre-Rousseau.

    Maguelone Nouvel, historienne : "Les études et de nouveaux métiers"

    Comment s’inscrit l’accès des femmes aux études de médecine dans l’histoire de Montpellier ?

    Les villes universitaires sont des pionnières, Montpellier a une faculté de médecine et une faculté de droit très anciennes. Et il faut se souvenir que dans les années 1850-1860, le maire de Montpellier était Jules Pagézy, qu’il était protestant, et que les protestants encourageaient l’éducation des femmes. Enfin, les femmes, russes, anglaises, qui venaient faire leurs études de médecine à Montpellier dès 1868 avec l’équivalent du bac en poche, ont servi de modèle.

    Si l’on exclut Paris, Montpellier a une position particulière ?

    Oui, regardez le parcours d’Anne Hamilton, une Italienne diplômée de la faculté de médecine de Montpellier en 1900, qui a été la première femme étudiante en médecine à Marseille. Mais Marseille n’avait qu’une école, ce n’était pas une faculté susceptible de délivrer un doctorat. Cette femme, protestante, a témoigné du mauvais accueil qui lui a été fait à Marseille, avec cette phrase d’un des internes de l’Hôtel-Dieu : "Une femme médecin n’est plus une femme, mais ce n’est pas non plus un homme. Donc, ce n’est rien du tout."

    En quoi l’accès des femmes aux facultés de médecine est un tournant dans le droit des femmes ?

    Les femmes ont toujours travaillé. Depuis le Moyen-Âge, les femmes creusent les fossés, elles ont participé à la construction de la citadelle Joffre à Montpellier, c’est au Moyen-Âge qu’on voit les premières sages-femmes à Montpellier. Mais les femmes ne pouvaient pas accéder à des métiers à diplômes. Du coup, la “promotion” était de faire un mariage bourgeois et d’arrêter de travailler. Ce qui change au XIXe siècle, et surtout au XXe, c’est la possibilité, pour les femmes, de faire des études, d’entrer au lycée, et d’accéder à de nouveaux métiers, plus prestigieux. L’accès à la faculté de médecine en est l’incarnation. Et, coïncidence ou pas, des années plus tard, la première femme maire de Montpellier (Hélène Mandroux, NDLR) sera médecin.

     
     
     

    Source https://www.midilibre.fr/2020/03/08/medecin-au-feminin-les-pionnieres-sont-nees-a-montp

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