• Livres : le top 10 du mois de mai

     
    Mis à jour le 04 mai 2020 à 13h19

    Le mois de mai apporte son lot de passions littéraires. Alors découvrez, sans tarder, le top 10 des meilleurs livres du mois.

     

    On troque nos journées « Netflix and chill » pour s’évader autrement. Car, si le confinement est l’occasion pour beaucoup d’entre nous de rattraper son retard dans la liste des films à voir au moins une fois dans sa vie, ou réviser les citations culte de la saga « Harry Potter », c’est aussi le moment de découvrir quelques pépites littéraires. Un bon moyen de s’évader au-delà des quatre murs de son appartement ou de profiter – pour les plus chanceux – des températures printanières, confortablement installé.e.s sur son balcon ou dans son jardin. Des escapades fortement méritées, après ces nombreuses semaines, en quarantaine.

    Une sélection d'ouvrages pour tous les goûts

    Portraits de femmes, romans bientôt adaptés sur grand écran, grand classique de la littérature et ouvrages invitant aux voyages : choisissez parmi notre top 10 des livres à dévorer ce mois-ci. L’adage dit bien « en mai, fais ce qu’il te plaît » ? Alors, faites-vous plaisir en piochant dans notre sélection lue et approuvée par la rédaction.

     

    « Le Grand Meaulnes » d’Alain-Fournier (Bibliothèque de la Pléiade/Gallimard)

    « Le Grand Meaulnes » d’Alain-Fournier (Bibliothèque de la Pléiade/Gallimard)

    Que reste-t-il de nos amours pour « Le Grand Meaulnes », cette œuvre unique et mythique d'un romancier de 27 ans, publiée en 1913, dévorée à l'adolescence ? Les noms de ses héros, Augustin Meaulnes, Yvonne et Frantz de Galais, possèdent toujours le même pouvoir ensorcelant, ainsi que la fête costumée surréaliste d'un mariage avorté sur laquelle Augustin, égaré dans un entrelacs de chemins givrés, tombe comme dans un rêve – tel un grand frère d'Alice découvrant le pays des merveilles. Le charme est intact, mais c'est une mélancolie invisible aux jeunes yeux qui happe le lecteur devenu adulte. L'inaptitude à saisir le bonheur lorsqu'il se trouve enfin à portée de cœur, après tant d'aventures passées à le chercher, imprègne le roman d'Alain-Fournier, métaphore de l'âge adulte, l'adolescence étant celui de tous les possibles. Vaut-il mieux rêver sa vie que l'accomplir ? Dans les premières pages, le quotidien de François, le narrateur de 15 ans, a la taille de la salle de classe dirigée par son père, M. Seurel, et la couleur des jeux d'enfants à la campagne. Puis, Augustin, grand garçon fiévreux de 17 ans, surgit de nulle part pour devenir pensionnaire dans cette école et cette famille. Son arrivée est une révélation : il n'a même pas encore posé ses affaires dans sa chambre qu'il fait exploser des feux d'artifice dans le jardin, donnant à François le soupçon d'une existence plus intense. Si certains détails ont vieilli, l'amitié folle et la fascination jusqu'à l'abnégation d'un adolescent de 15 ans pour son aîné sont éternelles. Tout comme ce sentiment qu'un pair, plus grand, plus effronté que soi, peut vous donner les clés du monde. Entre François, le sage, préparant son brevet d'instituteur, et Augustin, le fou, acharné à découvrir l'identité du domaine sans nom où il a échoué et est tombé amoureux d'une mystérieuse jeune fille blonde, le lien est indéfectible. Multipliant les intrigues et les chausse-trapes, se jouant du temps et des lieux, une maison abandonnée à Paris et un château perdu dans les sapins, Alain-Fournier construit un roman fascinant où l'amitié à la vie à la mort se met sans cesse en travers de l'amour. L'adolescence est un pays dont on ne revient jamais vraiment.

    Olivia de Lamberterie

    « Tant qu’il y aura des cèdres », de Pierre Jarawan (Héloïse d’Ormesson)

    « Tant qu’il y aura des cèdres », de Pierre Jarawan (Héloïse d’Ormesson)

    « Seul, illuminé, mécréant et fidèle parmi les œuvres des deux grands démiurges [rétrospective “Picasso-Giacometti”, ndlr], je vais t'aimer jusqu'à l'aube. » Tel est le programme. Santiago Amigorena va transformer sa nuit de solitude au musée en une nuit d'amour. Pour la femme qu'il aime, l'écrivain argentin va rendre compte au mieux du sentiment amoureux, de la création, de l'art. « Peut-on aimer un être comme on aime […] un livre – un tableau ? » L'accompagnent seulement un petit cahier dans une poche et « L'Expérience intérieure », de Georges Bataille, dans l'autre. Les deux premières heures, les tableaux lui échappent, son regard glisse sur les bronzes. « J'étais là, et j'étais absent, absolument absent. » Puis, au détour d'un souvenir d'adolescence au Rijksmuseum d'Amsterdam, qui appartient à l'immense et magnifique catalogue de ses « Premières Fois » (2016), Santiago Amigorena explique comment Rembrandt a assombri « La Ronde de nuit », son chef-d'œuvre peint l'année de la mort de sa femme Saskia. Tout le monde pensait à une erreur technique, alors que le peintre avait appliqué volontairement un apprêt en bitume de Judée pour assombrir, noircir. Plus qu'à une promenade nocturne parmi les créations de Picasso et de Giacometti, Santiago Amigorena nous invite dans ce livre à une rétrospective intérieure spectaculaire. Il y a une telle fusion entre l'écrivain et son œuvre, que l'enjeu n'est plus l'amour que ressasse l'écriture mais une forme de vérité, celle qui naît et grandit chez le lecteur. Un nouveau regard.

    Flavie Philipon

    « L’amie américaine » de Serge Toubiana (Stock)

    « L’amie américaine » de Serge Toubiana (Stock)

    Tout commence en 1959 alors que le réalisateur des « 400 Coups » fait la promotion de son film aux États-Unis : une complicité immédiate se noue entre le jeune prodige et Helen Scott, secrétaire du Bureau du film français au « New York Times ». Dès lors, elle devient sa confidente privilégiée. En témoigne leur abondante correspondance, au fil de laquelle s'écrit le récit d'un âge inoubliable du septième art. Si « Scottie chérie » s'occupe d'abord de faire aimer la bande de la nouvelle vague outre-Atlantique, elle finit par accompagner chaque projet de Truffaut, de « Fahrenheit 451 » à « Vivement dimanche ! », y compris l'écriture du livre d'entretiens avec Alfred Hitchcock pour lequel elle sert d'interprète.

    Pour comprendre comment Helen a conquis tout ce beau monde, il suffit de lire ses lettres à sa « Truffe », reflet d'un esprit coquin et d'une drôlerie exquise : « Je vous donne le droit ; de vous servir de vos doigts ; pour vous donner de la joie ; en pensant à moi. » Séductrice en diable, dotée d'une dérision digne des précieuses du XVIIe siècle, elle demeure énigmatique aux yeux de ses amis. Et c'est là que Serge Toubiana intervient, dévoilant les nombreuses facettes de cette femme de l'ombre : adolescente rebelle, membre des Jeunesses communistes, engagée dans la Résistance auprès de Charles de Gaulle, soupçonnée d'espionnage pour le KGB… Sa vie avant Truffaut donne le tournis, tant elle fut exaltante. « Dans ma jeunesse, j'étais une “personnalité”, mais ensuite j'ai sombré dans l'obscur et éventuellement je me suis réconciliée avec le fait que j'avais été dépassée par l'Histoire, et que je passerai désormais inaperçue… » Il était temps que Helen Scott sorte de l'obscurité, car on tombe si facilement amoureux d'elle. Pour sa liaison avec Roberto Rossellini, pour son surnom de jeune fille, « Sus aux braguettes », pour son rire et son incroyable faculté à admirer sans retenue ceux qu'elle aimait et qui avaient du génie. Un hommage espiègle, mélodieux, à une figurante irrésistible qui, depuis toujours, aurait dû obtenir le premier rôle.

    Flavie Philipon

    « Heureuse fin » d’Isaac Rosa (Christian Bourgois Editeur)

    « Heureuse fin » d’Isaac Rosa (Christian Bourgois Editeur)

    La seule façon d'écrire un roman d'amour qui se termine bien, c'est de commencer par la fin ! Ainsi donc, l'Espagnol Isaac Rosa ouvre son nouveau livre par un épilogue raconté à deux voix. Dès la première phrase (« Nous, nous allions vieillir ensemble »), l'emploi de l'imparfait fait peser sur tout ce qui suivra un lourd parfum de regret. La suite rembobine en huit chapitres l'histoire d'Antonio et Àngela. Treize ans de mariage, deux enfants, des petits problèmes domestiques et de grands problèmes sentimentaux : le couple est au bout du rouleau. À tour de rôle, ils se racontent l'un à l'autre, déballant les rancœurs qui sonnent si juste dans leur pathétique mesquinerie, listant les petites vexations qui s'empilent et attaquent le sentiment initial comme le sel grignote la roche. Au procédé du montage à l'envers, déjà vu, Rosa ajoute une narration double dont il fait un usage littéraire passionnant : à mesure que l'histoire se déroule, les paroles se rapprochent, le dialogue reprend le pas sur l'invective. L'heureuse fin, c'est donc le début, perdu, enseveli, irrécupérable. Mais l'heureuse fin, c'est aussi ce bel amour vécu, ces moments de bonheur volés aux déceptions à venir, la folie de la foi en un sentiment que chaque amoureux veut croire unique et, peut-être, l'abdication face aux ravages du temps. En autopsiant ce couple, Rosa lui redonne vie. Une prouesse d'alchimiste.

    Clémentine Goldszal

     
     

    « Police » d’Hugo Boris (Pocket)

    « Police » d’Hugo Boris (Pocket)

    Virginie Efira, Omar Sy… On se réjouissait de découvrir ce mois-ci l'adaptation par Anne Fontaine de ce livre qui suit trois policiers en charge de reconduire un réfugié tadjik à la frontière. Crise sanitaire oblige, la sortie du film est repoussée au 2 septembre. Ça nous laisse du temps pour apprécier d'abord ce roman dans l'air du temps.

    Clémentine Goldszal

    « MotherCloud » de Rob Hart (Belfond)

    « MotherCloud » de Rob Hart (Belfond)

    Le réalisateur Ron Howard a acheté les droits d'adaptation de « MotherCloud » avant même sa sortie américaine, en 2018. Depuis, on n'a pas de nouvelles du film, mais le livre, lui, vient de sortir en français. Il y a comme une contradiction à lire sur tablette cette satire féroce d'une société qui ressemble à s'y méprendre au géant maléfique Amazon. Mais aux grands maux, les grands remèdes. Lectrices, à vos liseuses ! 

    Clémentine Goldszal

    « Sankhara », de Frédérique Deghelt (Actes Sud)

    « Sankhara », de Frédérique Deghelt (Actes Sud)

    Hélène n'en peut plus. À la naissance de ses jumeaux, cette femme s'est abandonnée avec volupté dans les abysses de la maternité. Mais voilà qu'elle oscille désormais entre amertume et exaspération, se demandant dans un même élan où est passé l'amour qu'elle réclame à son mari, Sébastien, et si elle-même est encore capable de lui en donner. Frédérique Deghelt dissèque avec finesse ce point de névralgie d'un couple aux désirs éteints par le temps qui file, la romancière écrit là où ça fait mal, épinglant ces petits riens qui noient la passion dans une aigreur ambiante. Alors, parce qu'un copain lui a soufflé « tu verras, c'est la fin des souffrances », sur un coup de tête et une dispute de trop, sans un mot pour son époux, Hélène quitte son foyer pour une retraite spirituelle – méditation et silence dans un grand bain de nature.

    « Sankhara » est le journal à deux voix, celles d'Hélène et de Sébastien, de ces dix jours au cours desquels ils vont, chacun de leur côté, sombrer dans un gouffre et traverser le miroir de leur quotidien. Pendant qu'Hélène découvre, jusqu'au vertige, comment faire taire son esprit, les tours du World Trade Center s'effondrent, créant la sidération, divisant l'époque entre un avant et un après. Ce livre, écrit avant la pandémie, prend alors une résonance particulière : comment retranscrire le chaos du monde, s'interroge Sébastien, journaliste à l'AFP ; se réduit-il seulement à une liste de morts ? Pourquoi des hommes sont-ils ensevelis sous les décombres alors que d'autres ont échappé au drame ? Frédérique Deghelt déjoue subtilement tous les pièges du roman d'une métamorphose. Ne comptez pas sur elle pour liquider les interrogations existentielles d'un coup de baguette, l'existence n'est pas une ardoise magique. « Sankhara » propose plutôt des pistes pour reprendre en main son destin individuel, réfléchir à ce jeu permanent entre les tragédies extérieures et nos sensations intimes. Et c'est en cela que ce roman possède une grâce universelle.

    Olivia de Lamberterie

    « Les après-midi d’hiver » d’Anna Zerbib (Gallimard)

    « Les après-midi d’hiver » d’Anna Zerbib (Gallimard)

    Depuis le décès de sa mère un an plus tôt, la narratrice est devenue une somnambule. Malgré les apparences d'une vie remplie avec Samuel, son amoureux, et par l'université où elle étudie la littérature américaine, elle arpente les rues de Montréal sans espoir de consolation. Mais, au creux du chagrin d'octobre, une passion inattendue naît dans les bras de Noah, homme plus âgé, endeuillé lui aussi. Dès lors, la voilà partagée entre toutes ces histoires qui se jouent en une seule, entre les moments inventés et la seule vérité acceptable, celle des heures d'amour passées avec Noah. « Je prétendais que j'avais arrêté d'aller en cours pour écrire, mais c'était pour aimer. J'ai été occupée à cela tout l'hiver. Souvent quand le soir on me demandait ce que j'avais fait, moi, dans l'après-midi, je disais j'ai écrit ; je mentais moins que ce que je croyais. » Anna Zerbib exhume sensiblement tout ce qui peut se glisser dans le désir irraisonnable de l'autre : la curiosité, le manque, l'attention, et parfois même la reconnaissance de nos peines. Un livre qui dompte les idées noires pour égayer l'avenir.

    Sandrine Mariette

     
     

    « Un garçon sur le pas de la porte » d’Anne Tyler (Phébus)

    « Un garçon sur le pas de la porte » d’Anne Tyler (Phébus)

    « On se demande ce qui peut bien se passer dans la tête d'un homme comme Micah Mortimer. Il vit seul, fréquente peu de monde, suit invariablement la même routine. » Dès le début du livre, l'écrivaine américaine préférée de Nick Hornby présente son personnage comme si on ne pouvait plus rien espérer de lui. D'une quarantaine d'années, ce dépanneur en informatique a une existence aussi bien rangée que ses placards de cuisine. Même sa vie privée est sans fantaisie : son amie, Cass, ne partage pas son quotidien. Et lorsque cette dernière lui apprend qu'elle risque d'être expulsée, Micah pense la rassurer avec une guirlande de mots d'une banalité cruelle. Pire, le lendemain matin, sur le pas de sa porte, un adolescent, Brink Adams, affirme être son fils biologique… On est happé par cet homme incapable de gérer l'imprévu, l'inconnu, la vie en somme. Et quand Cass lui annonce que c'est fini entre eux, la mécanique bien huilée se délite brusquement. Pour la première fois, Micah comprend qu'il a cafouillé à force de ne vouloir « faire la moindre erreur ». À la faveur d'une délectable ironie tragi-comique et d'un sens aigu du détail, Anne Tyler excelle à dépeindre une prise de conscience. « Je suis une salle remplie de cœurs brisés », confie Micah, qui aimait trop ses habitudes, au seuil de découvrir les vertus de l'imprévu. Une leçon qu'on dévore comme un régal.

    Flavie Philipon

    « Là où chantent les écrevisses » de Delia Owens (Seuil)

    « Là où chantent les écrevisses » de Delia Owens (Seuil)

    Delia Owens, 71 ans, a d'épais cheveux gris et une coupe à la Diane Keaton. Au début des années 1970, maîtrise de zoologie et doctorat d'éthologie en poche, elle quitte sa Géorgie natale pour l'Afrique. Compilées dans trois livres de non-fiction, ses observations sur le comportement des éléphants de Zambie et des lions du Botswana ont été des succès. Mais la gloire, la vraie, arrive en 2018 avec son premier roman phénomène.

    Le livre démarre comme une légende, celle d'une petite fille qui grandit isolée dans une cabane au milieu des marais. Kya n'a pas 10 ans quand sa mère, ses frères, sa sœur et, finalement, son père se font la malle, la laissant seule dans un coin de nature luxuriant. Un garçon l'approche, lui apprend à lire et à aimer, puis s'en va. Un autre lui succède, et la déçoit. Kya aspire à exister en marge du monde, mais on sait quel sort la société réserve aux femmes qui la prennent de haut… Récit d'aventure, roman à l'eau de rose, variation sur le mythe de la « destinée manifeste »… « Là où chantent les écrevisses » n'est pas un monument littéraire mais un conte philosophique d'une pénétrante sagesse, à l'attrait universel.

    Clémentine Goldszal

     
    Par
    La Rédaction
    La Rédaction
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