• Droit des femmes : « Gisèle Halimi a sorti le combat féministe de l’illégitimité politique »

    Droit des femmes : « Gisèle Halimi a sorti le combat féministe de l’illégitimité politique », salue la philosophe Geneviève Fraisse

    INTERVIEW Pour la philosophe et directrice de recherche émérite au CNRS Geneviève Fraisse, l’avocate Gisèle Halimi a contribué à porter le combat féministe « sur la place publique »

    Propos recueillis par Hélène Sergent

    Publié le 28/07/20 à 16h16 — Mis à jour le 28/07/20 à 17h55

     
    Gisèle Halimi (à g.) lors du procès de Marie-Claire Chevalier, poursuivie pour avoir avorté après s'être faite violée.

    Gisèle Halimi (à g.) lors du procès de Marie-Claire Chevalier, poursuivie pour avoir avorté après s'être faite violée. — AFP

    • Avocate, femme politique et écrivaine engagée Gisèle Halimi est décédée ce mardi à l’âge de 93 ans.
    • Elle a fait de sa vie un combat pour le droit des femmes, marqué par le procès de Bobigny en 1972, qui a ouvert la voie à la légalisation de l’avortement.
    • Pour la philosophe de la pensée féministe Geneviève Fraisse, si Gisèle Halimi ne portait pas une « utopie » féministe et n’était pas révolutionnaire, elle défendait la politique du féminisme.

    « Une républicaine passionnée » et « une grande combattante de l’émancipation des femmes », « un exemple pour toutes et tous » ou « une immense voix ». À l’annonce du décès de l’avocate Gisèle Halimi survenu ce mardi, les hommages de la classe politique ont afflué. Disparue à l’âge de 93 ans, cette écrivaine et ancienne députée avait fait de sa vie un combat permanent pour le droit des femmes.

    Quel héritage Gisèle Halimi laisse-t-elle et quel rôle a-t-elle joué dans la lutte contre les violences faites aux femmes en France ? Pour Geneviève Fraisse, philosophe de la pensée féministe et directrice de recherche émérite au CNRS, l’infatigable avocate a contribué à « légitimer » le combat pour le droit des femmes en « imposant sur la place publique » des sujets jusqu’ici délaissés par le politique.

    Genevieve Fraisse est philosophe de la pensée féministe et directrice de recherche émérite au CNRS.

    Qu’est-ce que Gisèle Halimi a apporté dans le combat pour les droits des femmes en France ?

    Tout au long de sa vie Gisèle Halimi a porté sur la place publique la question du droit des femmes. Comme elle l’a fait pendant la guerre d’Algérie dans son combat contre la torture. Aujourd’hui on parle de « convergence des luttes », mais à l’époque, Gisèle Halimi portait déjà une forme de contiguïté des luttes. C’était une femme politique, pas seulement parce qu’elle a eu des activités politiques à proprement parler, mais parce qu’elle a su imposer des sujets dans l’espace public qui n’y étaient pas auparavant. C’était aussi une intellectuelle qui pensait le féminisme. En 2003 déjà dans une tribune au Monde Diplomatique, elle pointait un « continuum de la violence » dans les violences faites aux femmes. Elle avait une idée très claire de ce qu’était l’oppression des femmes. Et elle n’a pas porté seulement le combat pour la dépénalisation de l’avortement, elle s’est aussi engagée pour la criminalisation du viol, qui rappelons-le, était considéré comme un simple délit jusqu’à un changement de la loi en 1980.

    Le procès de Bobigny, au cours duquel Gisèle Halimi défendait une jeune femme poursuivie pour avoir avorté après avoir été violée, a-t-il marqué un tournant en France ?

    À l’époque j’ai brièvement enseigné dans un lycée en banlieue parisienne. Je me souviens qu’un de mes élèves de terminale est intervenu au sujet de ce procès qui se tenait et avait dit : « Ça fera jurisprudence ». Cela m’a marqué parce que cela voulait dire qu’à la maison on discutait de ce procès. En portant le combat pour le droit à l’avortement dans l’enceinte judiciaire, Gisèle Halimi a permis de légitimer ce débat. Il ne faut pas oublier qu’à ce moment-là en France, les militantes féministes étaient très critiquées, ridiculisées et moquées, elles étaient dans la rue et peu dans les institutions républicaines. Ce procès a tout changé. En amenant l’avortement dans une institution comme l’institution judiciaire, elle a poussé l’Etat à prendre en charge cette question-là et elle a sorti le combat féministe de l’illégitimité politique.

    Pourquoi sa voix a-t-elle porté au-delà des cercles militants ?

    Parce que son parcours était d’une cohérence évidente et parce qu’elle a gagné ses batailles. Elle était aussi soutenue par Simone de Beauvoir​, à la fois sur son combat contre la torture en Algérie et lors du procès de Bobigny. Ça a été un soutien très important.

    Dans quelle pensée ou courant féministe s’inscrivait-elle ?

    Gisèle Halimi ne portait pas une « utopie » féministe et n’était pas révolutionnaire. Elle défendait la politique du féminisme. C’est-à-dire qu’elle assumait la dimension politique de ce combat et refusait de faire un « découpage » dans les violences faites aux femmes. Quand elle parle de continuum en 2003, elle refuse justement ce découpage et maintient qu’il existe bel et bien un lien entre l’injure sexiste, la gifle et le viol. Aujourd’hui même si on dépolitise moins le combat féministe, ce découpage persiste encore.

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