Le 14 octobre, neuf dirigeants séparatistes catalans ont été condamnés à des peines de neuf à treize ans d’emprisonnement pour sédition. Depuis, les mobilisations pacifiques n’ont pas faibli à Barcelone. Mais vendredi, la journée s’est terminée par des affrontements avec la police. 579 personnes ont déjà été blessées à la suite des violences policières. Quatre personnes ont perdu un œil à cause de l’utilisation de balles en caoutchouc par la police espagnole. Près de 200 personnes ont aussi été arrêtées. En début de semaine, 28 d’entre elles se trouvaient en détention préventive.
Pour l’organisation basée à Barcelone Observatorio del Deute en la Globalització (Observatoire de la dette dans la globalisation, ODG), les peines prononcées le 14 octobre confirment « la dérive antidémocratique de l’État espagnol qui loin de résoudre le conflit l’aggrave ». Voici leur tribune.
« Le référendum d’autodétermination de la Catalogne du 1er octobre 2017 était un exercice démocratique massif et exemplaire pour le droit de s’exprimer par les urnes comme cela fut le cas en Écosse ou au Québec, et ce indépendamment du résultat du scrutin. Face au refus de l’État espagnol de faciliter cette expression démocratique, le référendum a été rendu possible grâce à la participation de différentes couches de la société catalane, notamment de nombreuses organisations de la société civile, des mouvements sociaux, des syndicats, des partis politiques et bien d’autres. Depuis ce jour nous vivons en Catalogne une situation alarmante d’escalade de la violation des droits humains, de la répression des manifestations, de la violence policière et institutionnelle et de la judiciarisation d’un conflit politique et social. En particulier, la suspension du gouvernement autonome catalan démocratiquement élu par l’application de l’article 155 de la Constitution espagnole en 2017 a suspendu de facto l’autonomie de la Catalogne.
Lundi 14 octobre 2019, la Cour suprême espagnole a condamné neuf dirigeants politiques élus démocratiquement et deux personnalités de la société civile à des peines de neuf à treize ans d’emprisonnement pour sédition. Cela confirme la dérive antidémocratique de l’État espagnol qui loin de résoudre le conflit, l’aggrave. Les fortes mobilisations et manifestations qui se déroulent sur le territoire catalan, à la fois spontanément et organisées, en sont un symptôme sans équivoque. Les gens sont déterminés à défendre leurs droits par le biais de la désobéissance civile légitime de manière pacifique et non violente.
« Cette sentence ouvre la voie à une persécution généralisée des mouvements sociaux »
Nous trouvons particulièrement important de souligner en quoi cette sentence ouvre la voie à une persécution généralisée et à la criminalisation des mouvements sociaux ou politiques. En particulier le délit de sédition pourra également être caractérisé :
« […] lorsque des agents (de police) doivent renoncer et s’abstenir de se conformer à l’ordre judiciaire dont ils sont dépositaires face à une attitude établie de rébellion et d’opposition à son exécution par un groupe de personnes en nette supériorité numérique. […] Même à travers des formes de résistance non-violente. […] »
Comme de nombreuses organisations de défense des droits humains l’ont déjà souligné, enraciner le délit de sédition dans ce type d’événements et de comportements signifie ouvrir la voie à la persécution d’une multitude de groupes et de mouvements sociaux qui les utilisent pour la défense de droits fondamentaux tels que le logement, la santé, éducation, services de base, etc. En particulier, toute personne qui pratique la désobéissance civile non violente sur le territoire espagnol, comme le font le mouvement des jeunes pour le climat, le mouvement féministe ou les mouvements populaires pour le logement et le logement, contre les expulsions pourrait se voir condamner.
« Il est inacceptable qu’au XXIe siècle, un État membre de l’UE emprisonne des opposants démocratiquement élus »
L’ODG fait partie de différents réseaux et mouvements sociaux où nous pratiquons la désobéissance civile légitime face aux injustices en tant qu’outil de transformation sociale. Compte tenu de cette situation, nous voulons exprimer notre profond rejet de ce qu’implique cette sentence pour la société catalane et espagnole. En outre, nous demandons la libération de toutes les personnes détenues et emprisonnées, à la fois après le 1er octobre et après les manifestations qui ont suivi.
Nous souhaitons également saisir l’occasion pour souligner l’importance de prendre soin de nous-mêmes face à la situation actuelle et dans l’ensemble de nos luttes quotidiennes pour la transformation sociale. La répression et les mobilisations intenses attendues au cours des prochains jours peuvent entraîner un important stress physique et psychologique. Face à cette situation, nous encourageons les citoyen-ne-s à se mobiliser, dans la mesure de leurs possibilités, pour dénoncer les injustices et défendre nos droits fondamentaux, tels que la liberté d’expression, le droit de réunion et de manifestation et la participation politique.
Nous appelons la communauté internationale et les États membres de l’Union européenne à défendre les droits humains et la démocratie en Europe. Nous appelons la société civile à faire pression sur vos gouvernements pour qu’ils agissent en faveur d’une médiation du conflit. Il est inacceptable qu’au XXIe siècle un État membre de l’UE emprisonne des opposants démocratiquement élus et des militants pacifiques de la société civile, et mettre en danger les droits fondamentaux dans l’ensemble du pays. »
L’équipe de l’Observatori del Deute en la Globalització (Observatoire de la dette dans la globalisation, ODG).
ODG, basée à Barcelone, est né en 2000 avec le porjet de réseau citoyen pour l’abolition de la dette externe. L’organisation est partenaire de l’Observatoire des multinationales et de Basta ! dans le cadre du réseau européen d’observatoires des multinationales (European Network of corporate observatories, Enco).
photo : CC Masha Gladkova via flickr