• Réforme des retraites : six questions sur le système par points au cœur des inquiétudes

    Réforme des retraites : six questions sur le système par points au cœur des inquiétudes

    Le passage à un mode de calcul des retraites par points dans le régime universel voulu par le gouvernement suscite de nombreuses interrogations.

     

    Par Publié aujourd’hui à 16h59

     

     

     

    Une manifestante de la CGT EDF R&D tient une pancarte sur laquelle est écrit Une manifestante de la CGT EDF R&D tient une pancarte sur laquelle est écrit "pas de retraite de perlimpoint point", à Paris, le 10 décembre. JULIEN MUGUET POUR « LE MONDE »

    L’une des grandes nouveautés du régime de retraite universel voulu par le président de la République, Emmanuel Macron, serait de passer à un système dit « par points ». Une règle technique, mais qui n’a rien d’un détail et concentre à elle seule une bonne partie des critiques à l’encontre de la réforme : complexité, craintes pour le pouvoir d’achat, inégalités…

    Lire aussi Réforme des retraites : 69 questions pour comprendre le débat

    1. Qu’est-ce qu’un point de retraite ?

    Dans un système par répartition – le système actuel en France –, les actifs contribuent chaque mois à financer les pensions des retraités par le biais des cotisations salariales et patronales, prélevées sur leurs revenus.

    Les points sont une sorte de cagnotte fictive basée sur les cotisations retraite

    Dans le régime « universel » souhaité par M. Macron, ces cotisations sont comptabilisées pour cumuler, tout au long de sa carrière, des points de retraite, qui viendront alimenter une sorte de cagnotte fictive. Le rapport Delevoye proposait d’accorder un point de retraite pour 10 euros de cotisation aux débuts du régime universel, en 2025. Cette règle de calcul est ce qu’on appelle la valeur d’acquisition du point.

    Les points sont ensuite utilisés en fin de carrière comme base de calcul de la pension.

    2. Comment les points sont-ils transformés en pensions ?

    Dans le système actuel, les pensions de retraite du régime général des salariés du privé sont calculées sur la base d’un salaire de référence. Cette somme est la moyenne des vingt-cinq meilleures années de la carrière pour le régime général. En cas de départ en retraite après une carrière complète et hors autres cas particuliers, la pension de retraite de base (sans compter la complémentaire) correspond à 50 % de ce salaire de référence.

    La pension dépend du nombre de points, de leur valeur et de l’âge de départ

    Dans le régime universel souhaité par le gouvernement, ce n’est plus le salaire de référence, mais le nombre de points accumulés au cours de la carrière qui sert de base pour chiffrer la pension. Ce calcul est réalisé à partir de la valeur de service du point de retraite, qui pourrait être de 0,55 euro de pension annuelle nette en 2025, comme le propose le rapport Delevoye

    Si cette hypothèse est retenue, cela signifierait que 10 euros cotisés correspondent à 0,55 euro de retraite par an. Ainsi, un salarié qui aura accumulé 30 000 points – donc 300 000 euros de cotisations – de retraites aura une pension annuelle de 16 500 euros net, soit 1 375 euros par mois. C’est déjà de la sorte que le régime complémentaire des salariés du privé (Agirc-Arrco) fonctionne.

    Un autre facteur important entrera cependant en compte dans ce calcul : le fameux âge pivot. S’il restera possible de partir en retraite à 62 ans dans le régime universel, il faudra en revanche partir à l’âge pivot, qui pourrait être de 64 ans en 2027 et augmenter par la suite, pour que sa pension soit calculée sur la valeur normale du point. En dessous de l’âge pivot, la pension serait frappée d’un malus (de l’ordre de 5 % par an, proposait le rapport Delevoye). Au-dessus, elle serait bonifiée (là aussi de 5 % par an).

    3. A quoi servent les « points bonus » prévus dans certains cas ?

    Appliqué strictement, le système par points pénaliserait fortement les carrières « à trous », notamment les périodes de chômage. Des mécanismes de compensation sont donc prévus dans la réforme pour compléter la cagnotte fictive des personnes concernées. Cela passerait par deux grands mécanismes :

    • l’attribution de points « bonus » pour tenir compte des périodes de chômage, des congés maternités, des longs arrêts maladie ou encore de l’accompagnement d’un proche handicapé, malade ou d’un parent âgé, ou encore de la pénibilité de certains métiers ;
    • un « bonus » sur la valeur du point pour les parents : chaque enfant donnerait droit à un bonus de 5 % accordé par défaut aux mères, mais qui pourra être partagé dans le couple ou attribué à l’autre parent.

    4. Qui fixe la valeur du point ?

    Le projet du gouvernement prévoit que « la valeur du point sera fixée par les partenaires sociaux, dans le cadre de la gouvernance du système universel ». Les contours de celle-ci restent à préciser, mais elle serait constituée « de manière paritaire de représentants des employeurs et des salariés des secteurs privé et public ainsi que de représentants des travailleurs indépendants ».

    Charge à cette instance de fixer l’évolution du point. Elle travaillera cependant sous le contrôle du Parlement et devra respecter la « règle d’or » budgétaire édictée par le gouvernement, qui oblige le futur régime universel à respecter un équilibre financier sur une période de cinq ans.

    5. Le point de retraite peut-il baisser ?

    L’une des grandes craintes autour de la réforme serait de voir la valeur du point de retraite baisser au gré des décisions budgétaires, et avec elle les pensions de millions de retraités. Pour y répondre, le gouvernement assure que la loi prévoirait une autre « règle d’or » selon laquelle « la valeur du point ne pourra pas baisser ».

    La valeur de service et la valeur d’acquisition du point ne pourraient pas baisser

    Par ailleurs, il est également prévu que la valeur du point soit indexée sur l’évolution du salaire moyen, qui progresse plus vite que l’inflation, sur laquelle les retraites sont indexées aujourd’hui. Cette indexation concernera aussi bien la valeur de service du point (ce qu’il vaut comme pension de retraite) que sa valeur d’acquisition (le nombre d’euros de cotisation à cumuler pour en gagner un).

    La valeur intrinsèque du point serait donc tout à fait protégée dans le projet de loi, à en croire le gouvernement. Mais cela reste à confirmer dans le texte qui sera effectivement présenté au Parlement. En suivant la « règle d’or » du gouvernement, un retraité verrait sa pension évoluer avec les salaires, alors que les pensionnés actuels ont tendance aujourd’hui à voir leur pouvoir d’achat s’éroder sur la durée après leur départ en retraite.

    6. Ce système protège-t-il vraiment le niveau de vie des retraités sur la durée ?

    Il n’est pas garanti qu’un même euro de cotisation donne les mêmes droits aux différentes générations qui se succéderont. Le projet de loi tel qu’il est présenté aujourd’hui donne en effet la possibilité à la gouvernance du système de faire reculer l’âge pivot pour maintenir l’équilibre financier. Or, reculer l’âge pivot revient à diminuer le rendement du point pour ceux qui ne sont pas encore en retraite, selon le système de bonus-malus envisagé.

    La valeur du point pourra baisser si l’âge pivot recule

    Prenons un exemple. Un futur salarié intégré au régime universel prévoit de partir en retraite à 65 ans. Avec un âge pivot fixé à 64 ans, comme le gouvernement le souhaite pour 2027, ce travailleur verrait son point bonifié (+ 5 %, en suivant le rapport Delevoye). Si l’âge pivot reculait à 66 ans, ce salarié partant en retraite à 65 ans aurait au contraire un malus (- 5 %). Il s’agit bien d’une forme de baisse du rendement du point.

    Enfin, même si le gouvernement s’engage à ne pas baisser la valeur du point et inscrit des « règles d’or » dans la loi, il n’est pas exclu qu’une autre loi revienne à l’avenir sur les garanties prévues et change les règles du jeu. Cette crainte est largement partagée parmi les actifs. D’où le succès sur les réseaux sociaux ces derniers mois d’une citation de François Fillon devant des dirigeants d’entreprise en 2016 :

    « Le système de retraite par points, en réalité, ça permet une chose, qu’aucun homme politique n’avoue : ça permet de baisser chaque année la valeur des points et donc de diminuer le niveau des pensions. »

    « Pour les internes, la réforme des retraites est la goutte d'eau qui fait déborder l'hôpitalMort de Michèle Bernard-Requin, magistrate respectée »
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