• Etats-Unis: le Sénat s’oppose à verser des aides financières immédiates aux Etats américains

    Etats-Unis: le Sénat s’oppose à verser des aides financières immédiates aux Etats américains

    Les gouverneurs exhortent le Congrès à débloquer 500 milliards de dollars pour les Etats. Le sénateur Mitch McConnell préférerait qu’ils se déclarent en faillite

    Le Capitole, siège du Congrès américain.
    Le Capitole, siège du Congrès américain.
    © Sipa Press

    Où qu’ils se trouvent sur la carte, les Etats américains voient leurs perspectives financières se dégrader en raison du coronavirus et de son impact sur l’activité... sans réellement voir d’aide fédérale poindre à l’horizon.

    Jeudi, les membres de la Chambre des représentants ont voté un nouveau train de mesures, mais aucune aide directe aux Etats. D’un montant de 484 milliards de dollars, le plan (qui avait été approuvé mardi par le Sénat) vient renflouer deux programmes d’aide aux petites entreprises, apporte une assistance supplémentaire aux hôpitaux et prévoit un accroissement des capacités nationales de dépistage.

    Les Etats, eux, dépensent sans compter pour enrayer la crise sanitaire au moment où leurs recettes fiscales s’effondrent en raison du confinement et de la fermeture des entreprises. Certains gouverneurs ont d’ailleurs déjà suspendu ou annulé des milliards de dollars de dépenses.

    Tous exhortent le Congrès à débloquer 500 milliards de dollars pour compenser l’argent qui ne rentre plus dans leurs caisses. La National Governors Association, qui regroupe des gouverneurs des deux grandes familles politiques, souhaite aussi que le Congrès participe au financement des frais de santé, des allocations-chômage et de l’approvisionnement en tests et équipements de protection.

    Des espoirs douchés, cette semaine, par Mitch McConnell, leader de la majorité républicaine au Sénat. L’élu du Kentucky a dit préférer que les Etats se placent sous la protection de la loi sur les faillites pour réduire leurs dettes plutôt que leur fournir davantage d’aide fédérale.

    Il y a fort à parier que le soutien financier aux Etats et aux collectivités locales animera les débats au Capitole lors de l’examen du prochain plan de relance, début mai. Nancy Pelosi, présidente de la Chambre des représentants, a déclaré que les démocrates militeraient pour une augmentation des dotations aux collectivités locales.

    Mitch McConnell, lui, a affirmé qu’il ne voulait pas subventionner des engagements de cotisations retraites qui datent d’avant la crise du coronavirus. Ces montants, que le sénateur juge élevés, ont souvent été négociés il y a plusieurs années par les gouverneurs et les syndicats de fonctionnaires.

    « Les républicains n’ont aucune intention de renflouer les caisses de retraite des Etats en empruntant de l’argent aux générations futures », a-t-il indiqué.

    De leur côté, les Etats refusent purement et simplement d’envisager l’option de la faillite.

    « Vous voulez que le marché s’effondre comme un château de cartes ?, a demandé jeudi Andrew Cuomo, gouverneur de l’Etat de New York, lors de son point presse quotidien. Laissons l’Etat de New York se déclarer en faillite. Laissons le Michigan se déclarer en faillite. Laissons l’Illinois se déclarer en faillite. Laissons la Californie se déclarer en faillite. C’est l’économie nationale qui s’effondrera. »

    Le Congrès a adopté un plan d’aide d’un montant de 2 000 milliards de dollars, dont 150 milliards destinés aux Etats et aux collectivités locales, mais les fonds ne peuvent être utilisés que pour des dépenses liées au coronavirus. Or les Etats affirment qu’ils ont besoin d’argent pour boucher les trous dans leur budget, certains demandant aussi plus de flexibilité pour l’utilisation des 150 milliards de dollars déjà votés.

    La National Association of State Budget Officers a estimé qu’une injection de liquidités aiderait l’économie américaine à repartir, prévenant que les Etats finiraient par être contraints de supprimer des services essentiels si le Congrès ne débloque pas de nouveaux fonds.

    « La baisse de recettes que les Etats subissent actuellement pourrait être supérieure à celle de la dernière récession », indique Marc Nicole, président de l’association, dans un courrier adressé mercredi au président Trump et aux leaders du Congrès. Certains Etats anticipent une chute de 20 %, la pandémie étrillant leurs principales sources de recettes, l’impôt sur le revenu et la TVA, poursuit-il. A titre de comparaison, les recettes générales totales avaient reculé de 11,6 % entre 2007 et 2009.

    Mitch McConnell a également proposé que les Etats augmentent les taxes pour générer plus de recettes. Contrairement au budget fédéral, le budget des Etats doit, pour la quasi-totalité d’entre eux, être équilibré. Toute nouvelle dépense doit donc provenir d’une recette fiscale ou d’une aide fédérale, et pas d’un emprunt.

    Pour David Skeel, professeur de droit à l’université de Pennsylvanie, le fait de laisser les Etats faire faillite pose des questions sur le plan parlementaire et juridique. D’une part, ces faillites pourraient être considérées comme une violation de la disposition constitutionnelle relative aux contrats. D’autre part, elles contreviendraient aux clauses protégeant la souveraineté des Etats, ajoute-t-il.

    David Adkins, directeur exécutif du Council of State Governments, estime pour sa part que les déclarations de Mitch McConnell font partie de sa stratégie de négociations avec les parlementaires démocrates. Tôt ou tard, poursuit-il, le Congrès va devoir allouer directement des sommes importantes aux Etats et aux collectivités locales pour éviter des licenciements massifs dans la fonction publique.

    « Les républicains sont en difficulté dans certains Etats », indique David Adkins, ajoutant que Mitch McConnell « ne veut pas que ces républicains vulnérables soient accusés d’une baisse de 20 % du budget des écoles publiques ».

    La situation des Etats a évolué à la vitesse de la lumière. Il y a quelques mois encore, portés par la forte croissance et des prévisions budgétaires radieuses, les gouverneurs étaient nombreux à enchaîner les propositions. Certains Etats étaient également à la tête de coquettes économies.

    Selon les prévisions des responsables financiers, les 3,5 milliards de dollars de réserves de l’Etat de Washington pourraient être engloutis en trois ans par l’effondrement des recettes. Même avec une aide fédérale, l’Etat devra drastiquement réduire son budget, prévient David Schumacher, directeur du Bureau de la gestion financière.

    « Ce sera un élément déterminant pour savoir si on s’achemine vers des difficultés budgétaires et des réductions de coût importantes, ou purement et simplement vers une catastrophe », déplore-t-il.

    Les villes voient elles aussi leurs finances se dégrader. Plus de 2 100 d’entre elles anticipent des déficits, selon une enquête récente de la National League of Cities et la Conference of Mayors.

    Pour faire face à la crise, les gouverneurs de certains Etats ont décidé de limiter leurs dépenses en gelant les salaires des enseignants et les allègements de taxe foncière, et en réduisant le financement de l’enseignement supérieur. La Virginie a ainsi réduit son train de vie de 500 millions de dollars au dernier trimestre de son exercice budgétaire, qui se terminera au 30 juin, et suspendu 2,3 milliards de dépenses prévues sur les deux prochains exercices.

    Aubrey Lane, secrétaire aux Finances de l’Etat de Virginie, est d’accord avec le fait que les nouvelles aides soient versées sous conditions, par exemple une interdiction de les dépenser dans les systèmes de retraite.

    « Je comprends que cet argent ne peut pas être un chèque en blanc qui compense la mauvaise gestion de ces dernières années, déclare-t-il. Mais une grande partie de la situation actuelle s’explique par le fait que l’économie est à l’arrêt. »

    Pour lui, la faillite n’est pas une option pour la Virginie parce que « nous avons une obligation constitutionnelle d’équilibrer notre budget ».

    Les faillites d’Etats ou de collectivités locales sont extrêmement rares : 0,16 % seulement des municipalités notées par Moody’s Investors Service ont fait défaut sur leur dette ces cinq dernières années. En anéantissant les recettes provenant de la taxe foncière et les caisses de retraite, la dernière récession a néanmoins fait augmenter ce chiffre, qui se situait auparavant à 0,09 %.

    Les Etats américains sont considérés comme particulièrement solvables et les taux d’intérêt de leurs obligations sont relativement proches de ceux des bons du Trésor américain. L’Illinois, le New Jersey et le Kentucky, si cher à Mitch McConnell, font exception à cette règle et peinent à honorer leurs obligations vis-à-vis des policiers, des enseignants et d’autres fonctionnaires.

    La moitié des Etats autorisent les villes à se placer sous la protection de la loi sur les faillites et une poignée d’entre eux a utilisé la procédure pour alléger leurs obligations à l’égard des retraités ou des détenteurs d’obligations. Porto Rico s’est, par exemple, déclaré en faillite en 2017 après y avoir été autorisé par le Congrès.

    Detroit, la plus grande ville américaine à avoir fait faillite, est sorti du dispositif en 2014 après dix-huit mois de procédure, mais peine toujours à surmonter des problèmes de long terme, notamment l’importance de ses dettes et sa dépendance vis-à-vis du secteur automobile.

    Jeudi après-midi, les prix des obligations de l’Illinois et du New Jersey adossées à des taxes dont l’échéance est supérieure ou égale à quinze ans se sont effondrés, les rendements augmentant d’environ un dixième de point de pourcentage par rapport à la dette notée AAA, selon des données Refinitiv.

    Greg Saulnier, analyste chez Refinitiv, explique que les investisseurs réagissent sûrement moins à la possibilité d’une faillite de ces Etats qu’à l’apparente opposition de Mitch McConnell à apporter une aide importante fédérale dans un avenir proche.

    « Cela montre qu’il souhaite retarder le déblocage d’une éventuelle aide fédérale aux Etats et aux collectivités locales, ce qui pourrait amplifier le problème », précise-t-il.

    Joseph De Avila et Heather Gillers ont contribué à cet article.

    Traduction de Marion Issard

     

    Traduit à partir de la version originale en anglais

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