La chasse à courre, ou vénerie, est un mode de chasse consistant à poursuivre, à l’aide d’une meute de chien, un animal sauvage jusqu’à l’épuisement, la mise à mort étant faite à la dague ou à l’épieu. Le corps de ce dernier est partiellement livré aux chiens en guise de récompense, sa tête est conservée comme trophée, et ses pattes coupées et offertes à des invités méritants. Les animaux chassés à courre sont le Cerf élaphe, le Chevreuil, le Renard, le Sanglier, le Lièvre, le Lapin et le Blaireau.
Il existe différents types de véneries :
Ce qu’on appelle la « grande vénerie » se pratique à cheval et se concentre sur les grands mammifères (Cerf, Chevreuil et Sanglier).
La « petite vénerie » se pratique plutôt à pied, avec une meute chassant le petit gibier (Lapin, lièvre et Renard).
Il existe aussi la « vénerie sous terre », communément appelée déterrage. Celle-ci consiste à acculer sous terre un Renard ou un Blaireau puis à détruire son terrier à l’aide d’outils. Une fois à découvert, l’animal est attrapé avec des pinces tenailles, et, s’il a survécu au combat avec les chiens introduits à l’intérieur, il est tué avec ses petits par les veneurs.
Une question éthique
Contrairement aux autres chasses « quantitatives », qui chercheraient à prélever le plus possible et de la façon la plus efficace, la chasse à courre est « qualitative », en ce qu’elle recherche un « raffinement » rituel dans la traque et la mise à mort. Très codifiée, elle se donne d’ailleurs comme règle de ne tuer qu’un seul animal par sortie, assumant donc de ne pas être un outil de régulation des espèces.
Désapprouvée même par de nombreux autres chassseurs, la chasse à courre pose un problème éthique certain.
En matière de souffrance animale, elle génère des douleurs extrêmes pour l’animal poursuivi. À la fin des années 1990, des scientifiques britanniques ont examiné des échantillons de sang de Cerf abattu au fusil, pour les comparer avec le sang d’animaux morts durant une chasse à courre. Les résultats montrent une concentration élevée de cortisol et des dégâts au niveau des globules blancs. Autrement dit, les animaux ont subi un stress physiologique et psychologique très important au cours de la traque.
Selon l’étude, ces dommages sont même supérieurs à ceux des animaux blessés par balle et mourant plusieurs jours plus tard.
« Une chasse prolongée avec des chiens génère chez le Cerf un stress extrême et sans doute une grande souffrance. La poursuite lui impose des contraintes qui sont au-delà des limites normales pour son espèce1. »
Parmi les Cerfs qui parviennent à échapper à la meute, beaucoup gardent des séquelles et certains meurent quelques heures plus tard d’une intoxication du sang.
Pour les grands animaux (Cerfs et Sangliers), la mise à mort se fait traditionnellement à l’arme blanche, afin d’offrir un « combat » physique entre le maître d’équipage et la « bête ». L’imitation des récits de chasse du Moyen-Âge est très importante pour les veneurs et la perpétuation de leur tradition. L’idéal voudrait même que l’animal cède et « s’agenouille » devant son bourreau avant d’être tué, ce qui peut être obtenu par des coups dans les jambes. Les petits animaux (Lièvre, Chevreuil, Renard et Lapin) sont la plupart du temps
tués par les chiens, égorgés ou déchiquetés, avant qu’un veneur n’ait le temps d’intervenir.
Plus tard, de retour au chenil, se tient « la curée » : une cérémonie où les chasseurs festoient autour du cadavre de l’animal. Différents rituels sont effectués, comme « les Honneurs » qui consiste à découper et tresser une patte pour l’offrir à un invité ; ou encore « la Nappe », c’est à dire détacher la peau de l’animal et la soulever comme une nappe de pique-nique pour exciter les chiens autour de la carcasse. La tête des
animaux est coupée et conservée comme trophée.
Le plus souvent, on grave un court récit de la journée sur leur crâne, qui sera exposé sur un mur.
Des animaux outils
Triés et créancés pour un rôle technique et précis, les chiens de chasse à courre sont l’élément central de cette pratique, et sont à ce titre considérés comme des outils.
Lorsqu’ils ne sont pas en chasse, c’est à dire cinq jours par semaine et six mois par an, les chiens passent leur temps entassés en chenil. Les plus vieux ou les moins performants sont abandonnés à des chasseurs à tir ou tout simplement euthanasiés.
Pendant les chasses à courre, les chiens peuvent courir plusieurs dizaines de kilomètres quasiment sans s’arrêter ni boire, avant d’être chargés dans une camionnette et ramenés au chenil. Il arrive très souvent d’ailleurs que des chiens soient perdus ou abandonnés en forêt après une chasse, et errent sur le bord des routes pendant plusieurs jours avant d’être, dans le meilleur des cas, ramassés par un habitant. À Compiègne en 2017, un chien de meute est resté trois mois dans un quartier de la ville, nourri par les riverains, avant qu’un valet ne vienne le récupérer².
En chasse, les chiens sont en première ligne de tous les dangers : envoyés dans les ronces, à traverser des rivières glacées, sur des routes fréquentées à 80 km/h… Lors des fins de chasse, ce sont eux qui doivent affronter un animal paniqué et défendant sa vie, et beaucoup prennent des coups de défenses de Sangliers ou de bois de Cerfs. Les veneurs appellent cela « se faire découdre ». Tous les ans, des chiens de meute se blessent et meurent en forêt, sans même que la chasse ne s’arrête.
Les chevaux ne sont malheureusement pas en reste. Harnachés toute la journée dans des vans, des chevaux de location attendent d’être lancés dans une longue course, le plus souvent sans échauffement.
Le cheval doit s’efforcer de suivre le rythme saccadé d’une chasse à courre, entre sprints et longs moments d’attente. Le samedi 24 novembre 2018 à Rambouillet, un cheval de 18 ans est mort d’un arrêt cardiaque en pleine chasse.
Bon nombre de veneurs ne sont pas des cavaliers expérimentés et apprennent les bases de l’équitation dans le seul but de pouvoir participer aux chasses.
Ils ne sont donc pas très au fait du bien-être de leur monture. Les chevaux, traités comme des mobylettes, font les frais d’un équipement inadapté et trop dur : éperons, coups de cravache, mors à effet de levier sévères, équipement mal ajusté, enrênements contraignants… Depuis la présence d’opposants en forêt, les veneurs les utilisent aussi comme des armes, les lançant au galopcontre des piétons ou manipulant leur tête pour donner des coups.
Une source d’incidents
Au-delà des problèmes éthiques et de la souffrance animale qu’elle cause, la chasse à courre est aussi une source d’incidents en forêt et dans les zones urbaines. Cette situation ne date pas d’hier, mais du fait des accidents de la route, des animaux poursuivis jusque dans les centres-villes, des incivilités envers des promeneurs, des animaux domestiques tués par des meutes, les frictions avec la population révoltée
sont de plus en plus grandes. Rien que pendant la saison 2018/2019, nous avons pu dénombrer pas moins d’un incident par semaine³.
Face à cela, les maires prennent des arrêtés municipaux interdisant le passage des chasseurs en zone urbanisée, mais ceux-ci sont régulièrement bafoués et les veneurs vont jusqu’à les contester devant les tribunaux4.
Leur victoire contre la commune d’Avilly-Saint-Léonard (Oise) en 2008, avec une forte indemnité à payer aux chasseurs, a refroidi certains maires de tenter quoique ce soit en ce sens5. L’inefficacité de la loi pousse les habitants à prendre la situation en main eux-mêmes pour sauver des animaux et protéger leurs habitations des intrusions, ce qui fait de chaque chasse à courre un possible trouble à l’ordre public.
Dans l’Oise, cette pratique a été assimilée par la préfecture à une « activité sensible ». Ce statut a par exemple justifié l’interdiction d’un grand événement sportif en forêt de Compiègne en 2018 (l’Aventuraid EDHEC⁶), du fait qu’une chasse à courre s’y déroulait simultanément.
Tentatives de législations
Avec l’apparition de larges mouvements populaires, et l’insuffisance des arrêtés municipaux, l’État a plusieurs fois tenté de légiférer directement pour limiter la chasse à courre : interdiction des relais de chiens pendant la chasse, interdiction de tuer un grand animal en zone habitée, limitation du nombre de chiens lâchés à soixante. Mais à chaque fois, ces décisions ont pu être contournées et les incidents
continuent de se produire sans être sanctionnés. Quant à la souffrance des animaux chassés et le sort des animaux outils utilisés, tout cela est resté inchangé7.
En Angleterre, l’abolition de la chasse à courre a fait grand bruit en 2005, et les associations animalistes s’en sont logiquement félicitées. Mais dans les faits, les veneurs ont pu continuer leur pratique en utilisant des failles dans la législation. En effet, celle-ci autorise le « trail-hunting », une pratique similaire mais qui remplace un animal par un quad répandant une odeur que les chiens doivent pister, suivis des cavaliers. Mais une fois la chasse lancée, impossible pour lAinsi, le plus souvent, les veneurs peuvent chasser de vrais Renards, et dans le pire des cas payer de dérisoires amendes. Dans certains endroits de France, on pratique le « drag-hunting », très proche du « trail-hunting » et utilisé en Allemagne depuis l’abolition, en 1952, de la chasse à courre.
Néanmoins ce « sport » nécessite aussi la souffrance inutile d’animaux : les équipages capturent et enfermement des Renards pour utiliser leur odeur, puis les jettent vivants à la meute comme récompense.
En Écosse, où la chasse à courre est abolie depuis 2002, les législateurs tentent aujourd’hui de combler les failles de la loi en proposant de limiter davantage le nombre de chiens utilisés.
Conclusions
Pour le moment, toutes les tentatives pour limiter les dégâts de la chasse à courre se sont révélées vaines, tout simplement parce que les incidents font partie intégrante de cette pratique. Le territoire de chasse est considéré comme un « fief » par les veneurs, qui cultivent une féodalité incompatible avec la société actuelle. Le développement d’habitations, de routes et du tourisme en forêt rendent désormais
impossible la pratique de la chasse à courre sans incident, comme cela se faisait à l’époque médiévale.
Les animaux ne sont que les otages d’un loisir dans lequel leur bien-être et leur vie n’ont pas de place. La chasse à courre est tout simplement inadaptée à notre époque moderne et est amenée à disparaître.
C’est l’un des derniers bastions de la barbarie dans notre pays. À nous d’accélérer la fin de ce processus inéluctable, pour le bien des animaux mais aussi pour la sécurité de tous.
Texte de l’association AVA (Abolissons la Vénerie Aujourd’hui) pour le livre d’Animal Cross “Vocation : l’animal sujet de droit, propositions pour de nouveaux horizons”
Notre demande
Par une modification de l’arrêté du 18 mars 1982 relatif à l’exercice de la vénerie, interdire l’utilisation d’une meute de chiens courants dans le cadre d’une chasse à courre ou de toute activité connexe pouvant impliquer la capture accidentelle d’un animal (chasse au leurre, démonstration de chasse, etc.) en mettant fin à la délivrance d’attestations de conformité de meute et en limitant le nombre de chiens courants en action de chasse.
Sources
(1) Patrick Bateson – The Behavioural and Physiological Effects of Culling Red Deer.
(2) http://www.leparisien.fr/oise-60/compiegne-60200/la-chienne-qui-errait-dans-compiegne-depuis-trois-mois-a-retrouve-sameute-07-06-2017-7027695.php
(3) http://ava-france.org/2019/06/11/saison-20182019-6-mois-dincidents-de-chasse-a-courre/
(4) https://france3-regions.francetvinfo.fr/hauts-de-france/oise/chasseurs-oise-attaquent-justice-arretes-municipaux-anti-chasse-courre-1446463.html
(5) Nicolas Tavernier – Un village sous Influence
(6) https://www.raidedhec.com/aventuraid/resultats/ar12_resultats/
(7) https://aida.ineris.fr/consultation_document/31056