• Brexit : la douloureuse expérience de la solitude qui attend les britanniques

    Chronique

    Brexit : la douloureuse expérience de la solitude qui attend les britanniques

    Le Royaume-Uni quitte donc l'Europe. Les brexiters ont le sentiment d'une souveraineté pleinement reconquise. Subsiste cependant une double ambiguïté majeure : les Britanniques ont toujours été et restent fondamentalement des Européens. Et que signifie être souverain aujourd'hui ? Surtout, pourquoi vouloir à tout prix se retrouver plus seul quand le monde devient plus dur ?

     

     

     

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    Publié le 31 janv. 2020 à 16h48Mis à jour le 31 janv. 2020 à 17h05

    31 janvier 2020 : « Le jour de l'indépendance est arrivé ».  La Grande-Bretagne aura quitté l'Union à l'heure européenne (c'est-à-dire à 23 heures, minuit heure de Bruxelles) tout comme l'Inde le 15 août 1947 avait quitté l'Empire à l'heure de Londres, c'est-à-dire en pleine nuit pour les Indiens. « Quand le monde dort, l'Inde viendra à la vie », avait écrit alors le Premier ministre indien Jawaharlal Nehru. 

    La comparaison est audacieuse. La Grande-Bretagne de 2020 n'est pas l'Inde de 1947. Une nation n'est pas en train de naître, ni même de renaître. L'Union européenne n'a pas constitué pour la Grande-Bretagne ce que fût le Raj (l'Empire des Indes) pour les Indiens. Si partition il y a demain,  avec le départ éventuel de l'Ecosse, elle sera pacifique et non pas meurtrière comme le fût celle de l'Inde il y a soixante-treize ans. Et pourtant il y a chez beaucoup de Brexiters le sentiment d'une identité retrouvée, d'une souveraineté pleinement reconquise, maintenant que les Britanniques sont libérés des contraintes d'une utopie considérée comme morte. Avec cette double ambiguïté majeure : les Britanniques ont toujours été et restent fondamentalement des Européens et que signifie être souverain aujourd'hui ? 

     

    Divorce entre raison et émotion

    En matière de politique étrangère, surtout depuis l'arrivée de Donald Trump à la Maison Blanche, sur la majorité des sujets, les positions des Britanniques sont plus proches de celles de l'Union européenne que de celles des Etats-Unis . De plus, ils quittent l'Union au moment où le besoin d'Europe est le plus grand, et ce des deux cotés de la Manche. Il existe sur ce plan comme un divorce entre la raison et l'émotion. Même si depuis la victoire sans appel de Boris Johnson aux dernières élections législatives d'octobre 2019, l'équilibre des émotions a changé, au moins à court terme entre les deux rives de la Manche. 

    Mais les fondamentaux économiques et politiques restent les mêmes. Au nom de la raison on ne peut que continuer à se demander ce que les Britanniques « ont été faire dans cette galère ? » comme aurait dit Molière. Au nom d'un contrôle retrouvé sur eux-mêmes, individuellement tout autant que collectivement, ils abandonnent leurs droits et leurs droits de regard en Europe. Ils deviennent tout simplement « un pays tiers » et ne tarderont pas à s'en rendre compte, quand on entrera, très vite maintenant, dans le dur de la négociation. Est-ce bien raisonnable au moment où les rivalités entre puissances retrouvent une intensité qu'elles n'avaient pas connu depuis plus d'un siècle ? Pourquoi vouloir se retrouver plus seuls quand le monde est plus dur ? Ils ne font tout simplement pas le poids. 

    Un isolement de facto

    On pourrait multiplier les arguments de bon sens économiques et stratégiques en faveur du maintien dans l'Union. C'est ce que fait avec talent Martin Wolf dans les colonnes du « Financial Times ». La taille est importante, dit-il. En termes bilatéraux, l'Union européenne compte beaucoup plus pour la Grande-Bretagne que l'inverse. De la même manière, l'Union européenne est un marché beaucoup plus important pour les Etats-Unis que ne peut l'être la Grande-Bretagne. Londres peut-il vraiment se permettre de défier de manière unilatérale Washington sur la question centrale en termes réels tout autant que symboliques, de la 5G ? L'isolement de facto dans lequel se place le Royaume encore Uni, est beaucoup moins « splendide » que ne l'avancent les partisans victorieux du BREXIT. On ne peut à la fois quitter « l'école Union éuropéenne » et être le mauvais élève de « la classe atlantique » en s'appuyant en dépit de cela sur une prétendue relation spéciale entre Anglo-Saxons. On ne peut vouloir devenir une « Méga Singapour sur la Tamise » et s'opposer frontalement, seule, à la Chine en matière de liberté et de droits de l'homme, comme la Grande-Bretagne a la tentation de le faire sur la question de Hong Kong. 

    Rapport de force inversé

     

    Mais au-delà de la raison il y a les émotions. Et sur ce plan, le rapport des forces psychologiques s'est modifié, certains diraient qu'il s'est renversé au cours des derniers mois. Au lendemain de l'élection d'Emmanuel Macron en 2017, mes amis antiBrexit de l'autre coté de la Manche, cherchaient désespérément un Macron britannique. Au lendemain de  l'élection triomphale de Boris Johnson, ce sont les conservateurs français qui se demandent où ils pourraient trouver un « Bo Jo » français. Dans l'imaginaire de Britanniques un tant soit peu connaisseurs de la France - et ils sont nombreux - l'image de Macron/Necker a commencé à se substituer à celle de Macron/Bonaparte. Et si le président français venait de remporter une victoire à la Pyrrhus sur le front des retraites qui le plaçait plus près de la Roche Tarpéienne que du Capitole ? Le paradoxe est que le leader politique le plus fort en Europe, celui qui dispose de la majorité la plus substantielle, se trouve précisément dans le pays qui a choisi de quitter l'Union. L'équilibre objectif des forces pèse en faveur de l'Union européenne. Mais à l'heure de Macron et Merkel, l'équilibre des volontés et  plus encore de la confiance en soi, est-il passé du coté de Boris Johnson ?

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