• Appel du 18 juin: l'Élysée confond les "3 de Gaulle" (et ça fait tiquer les historiens)

    18/06/2020 04:43 CEST

    Appel du 18 juin: l'Élysée confond les "3 de Gaulle" (et ça fait tiquer les historiens)

    Ce jeudi 18 juin, le chef de l'État consacre sa journée à la mémoire de cet acte fondateur du mythe gaullien.

    FRANCOIS MORI via Getty ImagesEmmanuel Macron devant la statue du général de Gaulle à Paris le 8 mai. 

    POLITIQUE - Emmanuel Macron va une nouvelle fois à la rencontre du général. À l’occasion du 80e anniversaire de l’Appel du 18 juin, s’inscrivant dans le cycle de commémorations de “l’année de Gaulle”, le chef de l’État a un programme bien chargé ce jeudi. Dans la matinée, le locataire de l’Élysée filera au musée de l’Ordre de la Libération, où il s’entretiendra avec Hubert Germain, l’un des premiers compagnons engagés dans la France libre en 1940. 

    Il prendra ensuite la direction du Mont Valérien dans les Hauts-de-Seine, où se trouve le mémorial de la France combattante. Il y présidera une cérémonie durant laquelle l’Appel du 18 juin sera lu. Puis ce sera direction Londres pour Emmanuel Macron, où il remettra une Légion d’honneur à la capitale du Royaume-Uni et visitera -entre autres- les anciens bureaux du général de Gaulle. Un enchaînement de moments à très forte portée symbolique qui n’est pas sans provoquer le scepticisme de certains historiens, dont certains investis dans l’organisation de la cérémonie. 

    “Lien assez grossier”

    C’est ainsi qu’un chercheur, aux premières loges des préparatifs fait part de son étonnement quant aux choix élyséens. “Il y a un lien assez grossier entre le de Gaulle de Montcornet, le de Gaulle du 18 juin et le de Gaulle de la Ve République. À titre d’exemple ce jeudi, Emmanuel Macron va s’entretenir avec Hubert Germain dans la salle de Gaulle du musée de l’Ordre de la Libération. Or, c’est une salle qui présente beaucoup d’objets liés au De Gaulle président. On a l’impression que ce mélange incohérent vise surtout à insérer l’actuel chef de l’État dans ce récit”, observe sous couvert d’anonymat ce témoin privilégié. 

    Contacté par Le HuffPost, Bernard Lachaise, professeur émérite d’histoire contemporaine à Science Po Bordeaux et spécialiste de Charles de Gaulle, explique: “ces ‘trois de Gaulle’ n’ont effectivement rien à voir. Ils ont chacun leur contexte et leur réalité. Mais nous sommes ici dans le champ de la mémoire, pas de l’histoire. Dans ce type de contexte, l’aspect scientifique est souvent tenu à l’écart”. Et l’historien, par ailleurs membre du conseil scientifique de la Fondation de Gaulle, d’ironiser: “pourtant, pour le général de Gaulle, l’importance des circonstances était justement fondamentale”.

    Auprès de L’Opinion, son collègue de Sciences Po Paris Serge Berstein résume en d’autres termes les intentions élyséennes derrière ces mises en scène. “Ce qui est frappant pour les historiens, c’est qu’il a commémoré l’anniversaire de la bataille de Moncornet, une petite victoire locale qui n’a eu aucun effet dans une France qui s’est totalement effondrée en 1940. Emmanuel Macron a saisi l’occasion de célébrer ‘l’esprit français de résistance’. Il se pose implicitement en héritier du Général. Après tout, c’est à cela que sert l’histoire pour les politiques: se hisser à la hauteur de celui qui est considéré comme un modèle”, souligne-t-il. 

    La crainte d’une “privatisation de l’histoire” 

    Reste que, pour certains spécialistes de la période, c’est surtout la façon dont ces commémorations sont organisées qui pose problème. “Confier uniquement la responsabilité de ces événements aux fondations, en écartant de plus en plus les universitaires, n’est pas forcément gage d’une très grande objectivité et d’une importante rigueur scientifique”, euphémise une source impliquée dans les cérémonies du jour, redoutant une forme de “privatisation de l’histoire”.

    Une tendance qui permettrait au pouvoir de façonner encore plus librement les événements historiques selon les impératifs politiques du moment. “D’autant que cela va de pair avec une restriction -pour le moins incompréhensible- de l’accès aux archives militaires post-1940”, ajoute notre interlocuteur.

    Une décision qui avait provoqué une levée de boucliers de la part d’éminents historiens au mois de février ainsi que la colère de jeunes chercheurs il y a deux jours, en réaction à des propos attribués à Emmanuel Macron sur “l’impensé” que constitue selon lui la guerre d’Algérie. “Au regard des approximations liées au 18 juin et au récit fait dans le cadre de l’année de Gaulle, on peut légitimement s’inquiéter de ce qu’il en sera quand ce sera l’Algérie qui sera à l’agenda”, grince un participant aux commémorations du jour.

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