• La majorité accorde 20 milliards aux grandes entreprises sans contrepartie environnementale

    La majorité accorde 20 milliards aux grandes entreprises sans contrepartie environnementale

    MAJ le 20/04/2020

    Face à la crise, le Gouvernement a fait voter 20 Md€ pour renforcer la part de l'État dans les entreprises en difficulté. Mais il refuse d'imposer des contreparties environnementales, se contentant d'un pâle engagement sur la RSE.

    Gouvernance  |  18 avril 2020  |  Laurent Radisson
     
    La majorité accorde 20 milliards aux grandes entreprises sans contrepartie environnementale

    Compte tenu de l'aggravation de la crise sanitaire et économique, le Gouvernement a présenté, le 15 avril, un deuxième projet de loi de finances rectificative pour 2020 (PLFR 2020). Dans ce cadre, il prévoit d'ouvrir 20 milliards d'euros de crédit pour renforcer les participations financières de l'État dans les entreprises stratégiques en difficulté.

    Ces fonds, amenés à sauver des entreprises telles que Air France, Renault ou Vallourec, ne doivent pas être accordés sans contrepartie alors que celles-ci contribuent fortement au dérèglement climatique, se sont alarmées plusieurs ONG et des parlementaires. Cet appel n'a toutefois pas été entendu. Dans la nuit du 17 au 18 avril à l'Assemblée nationale, la majorité a voté les aides en ne les assortissant que d'un engagement minimaliste en matière de responsabilité sociale et environnementale (RSE) et sans que soit connue la liste des entreprises concernées.

    « Ambition écologique, qui reste intacte »

    Le 16 avril, la commission des finances a repoussé un amendement du député Matthieu Orphelin, cosigné par dix députés, qui conditionnait la montée de l'État au capital des entreprises à la mise en place d'une stratégie de réduction de leurs émissions de gaz à effet de serre. « Une telle contrepartie demandée aux grands groupes serait un minimum d'exigence nécessaire pour l'État et pour répondre aux grands défis écologiques », estimait ce proche de Nicolas Hulot.

    Déçu mais pas défait, le député a présenté en séance publique de nouveaux amendements allant dans le même sens. Ils étaient issus d'une proposition d'Oxfam, association membre du Réseau Action Climat (RAC). À entendre la ministre de la Transition écologique, on aurait pu croire ces dispositions susceptibles d'être avalisées par la majorité. « Les aides qui accompagneront certains secteurs ou certaines entreprises, telle que Air France, devront s'accompagner d'engagements en matière environnementale et s'inscrire en cohérence avec l'ambition écologique du Gouvernement, qui reste intacte », a en effet déclaré Élisabeth Borne le 17 avril.

    Bien que cosignés par une quarantaine de députés, dont certains appartenant ou proches du groupe majoritaire, comme Barbara Pompili ou Cédric Villani, ces amendements ont été repoussés quelques heures plus tard.

    « Ne rien changer »

    Parallèlement, l'exécutif a allumé un contre-feu avec le dépôt, par la députée Bérangère Abba et le groupe LReM, d'un amendement exigeant des entreprises aidées la mise en œuvre d'une politique RSE. Selon la disposition votée, « l'Agence des participations de l'État veille à ce que ces entreprises intègrent pleinement et de manière exemplaire les objectifs de responsabilité sociale, sociétale et environnementale dans leur stratégie, notamment en matière de lutte contre le changement climatique ».

     
    Les aides qui accompagneront certains secteurs ou certaines entreprises (...) devront s'accompagner d'engagements en matière environnementale et s'inscrire en cohérence avec l'ambition écologique du Gouvernement, qui reste intacte.  
    Élisabeth Borne
     
    « Cet amendement propose en fait de ne rien changer, puisque Renault, Air France, Vallourec, etc., prétendent déjà le faire », réagit Cécile Marchand des Amis de la Terre. Et ce n'est pas l'obligation du Gouvernement de remettre, dans les douze mois, un rapport au Parlement détaillant la mise en œuvre de ces objectifs qui va rendre l'obligation plus contraignante. Pour Matthieu Orphelin, qui se dit en colère, cette disposition relève du "greenwashing". « Pourquoi aucune contrepartie n'est-elle demandée aux entreprises ? La vraie raison : le Gouvernement n'en veut aucune et le ministère de la Transition écologique a (malheureusement) perdu ses arbitrages », déplore le parlementaire.

    « Rendre les salariés encore plus vulnérables aux prochains crises »

    « En choisissant cette réponse à la crise économique, le Gouvernement démontre qu'il ne prend toujours pas au sérieux la question écologique, c'est-à-dire le monde d'après », réagit Clément Sénéchal de Greenpeace France. « Il est totalement inacceptable que le Gouvernement sauve Air France de la banqueroute sans imposer des conditions strictes et drastiques pour faire décroître rapidement et considérablement l'impact climatique et écologique de l'aviation », s'indigne Maximes Combes d'Attac France, qui rappelle que 250 organisations du monde entier ont appelé à ne pas renflouer le secteur aérien sans conditions. Ce que le gouvernement autrichien va respecter, selon Reuters, puisqu'il a annoncé vouloir lier l'aide publique à Austian AIrlines à des objectifs climatiques.

    Les conséquences de cette décision sont écologiques mais également économiques et sociales. "En ne faisant pas coïncider les stratégies de développement des entreprises avec la réalité des risques de ce siècle - pandémie, changement climatique, guerre pétrolière - on augmente la probabilité et l'amplitude d'une perte de valeur brutale de ces entreprises", explique Alain Grandjean, président de la Fondation Nicolas Hulot. "Soutenir à bout de bras et sans conditions des multinationales qui devront de toute façon se transformer, c'est rendre leurs salariés encore plus vulnérables aux prochaines crises », analyse aussi Cécile Marchand des Amis de la Terre.

    Pour plusieurs de ces ONG, toute montée de l'État au capital d'une entreprise devrait être soumise à trois conditions : une obligation de réduction de ses émissions de gaz à effet de serre alignée sur les objectifs de l'Accord de Paris, l'interdiction de verser des dividendes et une limitation stricte des hauts salaires. Le Sénat, qui doit examiner le texte le 21 avril prochain, pourrait ne pas faire davantage cas de ces impératifs.

                 
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