-
L’Espagne plonge à nouveau dans l’incertitude
L’Espagne plonge à nouveau dans l’incertitude
Selon les premiers résultats aux législatives ce dimanche, ni un bloc de gauche ni une alliance des droites n’atteindraient la majorité.
Par Mathieu de TaillacPublié il y a 2 heures, mis à jour il y a 12 minLe premier ministre espagnol Pedro Sanchez et son épouse quittent leur bureau de vote, dimanche à Madrid. BURAK AKBULUT/Anadolu Agency
Madrid
Tout ça pour ça. Malgré les élections anticipées tenues ce dimanche et censées favoriser la constitution d’un gouvernement, les Espagnols sont encore loin de sortir du blocage politique. Le Parti socialiste (PSOE) du chef de l’exécutif sortant, Pedro Sanchez, obtient trois députés de moins que lors des élections du 28 avril. L’extrême droite enregistre une hausse spectaculaire et passe de la cinquième à la troisième place. La nouvelle configuration n’aide en rien à résoudre l’équation diabolique dans laquelle est coincée la politique espagnole.
À lire aussi : Nouvelles élections en Espagne dans un climat crispéSix mois après les dernières élections législatives, le PSOE remporte 28% des suffrages et 120 sièges au Congrès des députés qui en compte 350, selon des résultats portant sur 93% des bulletins. Le Parti populaire (PP, droite) obtient 21% et passe de 66 à 88 députés. Vox, d’extrême droite, est le grand bénéficiaire du bégaiement électoral, avec 52 sièges, au lieu des 24 obtenus en avril. Ciudadanos (centre droit) paie le fruit de ses va-et-vient idéologiques avec 10 sièges, contre 57 précédemment. Podemos (gauche radicale) recevrait 35 parlementaires au lieu des 42 du parlement sortant.
Ni le bloc de droite ni celui de gauche n’obtiennent la majorité absolueNi le bloc de droite ni celui de gauche n’obtiennent la majorité absolue. À nouveau, la seule issue viendra des formations régionales ou de la rupture des deux grands blocs. Les électeurs rencontrés à la sortie des bureaux de vote témoignaient d’un double choix: un parti de prédilection, mais aussi une alliance préférée. Alicia, Sagrario et Olvido, fille, mère et grand-mère rencontrées à Lavapiés, quartier mi-populaire, mi-bobo de Madrid, ont toutes voté PSOE - «Sinon, la grand-mère se fâche!», plaisante Alicia. La mère aimerait un pacte PSOE-PP: «Podemos est vraiment trop à gauche!», dit-elle. La fille fait la moue.
À deux pas de la place d’Espagne, un quartier plus aisé, Emmanuelle, professeur franco-espagnole, a voté PP et aurait aimé une alliance avec Ciudadanos et Vox, «mais sans leur donner des ministères». Sur le papier, plusieurs scénarios sont possibles.
● Le gouvernement Frankenstein
C’est le terme préféré de la droite pour décrire l’alliance entre le PSOE, les indépendantistes catalans et diverses forces régionales. C’est cette majorité composite qui a voté la motion de censure contre Mariano Rajoy (PP), remplacé à l’été 2018 par Pedro Sanchez. La droite fustige la disposition des socialistes à s’allier avec les adversaires de l’unité nationale pour diriger le pays. Sanchez a cherché à éloigner ce fantôme en retirant son offre d’un gouvernement de coalition avec Podemos, que les indépendantistes catalans d’ERC (centre gauche) et les nationalistes basques du PNV (centre droit) étaient prêts à soutenir.
● L’abstention «technique» de la droite
Si les grands partis nationaux s’accordent à dire que la gouvernabilité du pays ne doit pas dépendre de partis sécessionnistes, la logique voudrait que les principales forces de l’opposition laissent gouverner le parti arrivé en tête. Le PSOE s’était abstenu en 2016 lors de l’investiture de Rajoy. Mais cette décision, prise précisément après la tenue d’élections anticipées, avait provoqué le départ du secrétaire général de l’époque, un certain… Pedro Sanchez. Quand les socialistes réclament un retour d’ascenseur, la droite rappelle la réponse de Sanchez il y a trois ans: «No es no» («non, c’est non»). Le président du PP, Pablo Casado, a exclu de faciliter un gouvernement de Sanchez. «Les pressions pour un accord seront énormes, juge toutefois Ana Sofia Cardenal, professeur de science politique à l’Universitat oberta de Catalunya. Pressions du pouvoir économique, de l’establishment et de l’Europe.»
● La grande coalition
Une alliance des trois partis au centre du jeu, PSOE, Ciudadanos et PP, rassemblerait 218 sièges, une très large majorité du Parlement. Jamais expérimentée, la «gran coalicion» séduit les milieux d’affaires mais est rejetée par les principaux intéressés. Elle laisserait tout le jeu de l’opposition aux deux formations les plus radicales: Podemos à gauche, Vox à droite, les indépendantistes en Catalogne.
● L’alliance des trois droites
L’alliance parlementaire entre PP, Ciudadanos et Vox, fonctionne dans de nombreuses régions et mairies. Mais sans majorité absolue au Congrès des députés, le bloc des droites n’a toutefois aucune chance de fonctionner. Aucune force régionale ne joindra ses voix à celles de Vox, qui veut recentraliser l’Espagne.
● Les troisièmes élections
Le scénario du pire ne peut être totalement écarté. Les partis politiques n’ont pas été capables de s’entendre entre avril et septembre. Depuis, le PSOE et Podemos se sont mutuellement reproché l’échec de leurs négociations. Les indépendantistes d’ERC auront beaucoup plus de mal à aider Madrid à sortir du blocage, alors que la justice espagnole vient de condamner leurs camarades à de lourdes peines de prison. Un seul élément peut sauver l’Espagne du vertige des troisièmes élections: la peur du vide.
La rédaction vous conseilleDe l’ultraconservatisme au populisme: la mue de Vox pour séduire un nouvel électora
« Flash : DIRECT. Elections législatives en Espagne : les socialistes en tête, devant les conservateurs et l'extrême droite, selon un sondage de sortie des urnes Séisme en France: La terre a tremblé à 11H52! »
Tags : Espagne, plonge à nouveau dans l’incertitude, premiers résultats aux législatives, élections anticipées, PSOE, PP, VOX, Ciudadanos, Podemos
-
Commentaires