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Déclaration d’intérêts incomplète : Pourquoi l'« oubli » de Jean-Paul Delevoye pose problème
Déclaration d’intérêts incomplète : Pourquoi l'« oubli » de Jean-Paul Delevoye pose problème
TRANSPARENCE Nouveau caillou dans la chaussure du gouvernement : en pleine contestation de sa réforme des retraites, Jean-Paul Delevoye est accusé par l'opposition de conflits d'intérêts avec le milieu de l'assurance
Publié le 09/12/19 à 19h04 — Mis à jour le 09/12/19 à 19h07
Jean-Paul Delevoye, haut-commissaire aux retraites. — Philippe LOPEZ / AFP- Dimanche, Le Parisien a révélé que Jean-Paul Delevoye n’avait pas déclaré sa fonction d’administrateur bénévole d’un institut de formation dans les assurances.
- En plein conflit sur la réforme des retraites, le Haut-commissaire et chef d’orchestre du projet a finalement démissionné de cette fonction d'administrateur ce lundi.
- 20 Minutes se penche sur les problèmes soulevés par cette activité.
Le gouvernement s’en serait bien passé. En plein bras de fer avec les opposants à la réforme des retraites, Jean-Paul Delevoye est épinglé pour ses liens avec le secteur de l'assurance. Le Parisien a repéré, dans un article publié dimanche, que le Haut-commissaire aux retraites n’avait pas mentionné dans sa déclaration d’intérêts ses fonctions d’administrateur d’un institut de formation des professionnels de l’assurance. Ce lundi, le membre du gouvernement a réagi en démissionnant de cette fonction, sans éteindre la polémique.
Quelle est cette déclaration d’intérêts ?
Comme tous les membres du gouvernement, depuis 2017, Jean-Paul Delevoye, nommé le 3 septembre Haut-commissaire aux Retraites, délégué auprès de la ministre des Solidarités et de la Santé, est obligé de remplir une déclaration d’intérêts et de la transmettre à la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP), « dans les deux mois qui suivent sa nomination ». Il doit y indiquer des informations sur ses activités professionnelles, mais aussi bénévoles.
La loi prévoit que la HATVP publie ensuite ce document « dans un délai de trois mois suivant [sa] réception ». Dans le cas de Jean-Paul Delevoye, la déclaration a été mise en ligne le 15 novembre. C’est le journal Le Parisien qui a repéré un manque dans ce document, rempli très succinctement, et comportant des fautes de frappe (voir ci-dessous). Le Haut-commissaire n’y a pas mentionné ses fonctions d’administrateur de l’Institut de Formation de la Profession de l’Assurance (IFPASS).
Quelles étaient les fonctions de Jean-Paul Delevoye à l’IFPASS ?
En 2016, Jean-Paul Delevoye a été nommé administrateur de cet institut qui propose des formations, payantes, aux métiers de l’assurance. Sur son site, l’IFPASS indique former « 8.000 professionnels » chaque année.
« J’ai été nommé administrateur de l’IFPASS en 2016 par le conseil d’administration
de l’IGS, pour le représenter au sein de l’institut », confirme Jean-Paul Delevoye dans un communiqué envoyé ce lundi à plusieurs médias, dont 20 Minutes. « Ce rôle d’administrateur, bénévole, consistait en une présence au sein des conseils d’administration de l’IFPASS ».Concrètement, il n’était donc pas rémunéré pour cette fonction. Il pouvait participer aux réunions du conseil d’administration de l’institut, et donc de prendre part aux décisions stratégiques et au fonctionnement de l’organisme.
Pourquoi cela peut-il poser problème ?
Cette révélation a déclenché une avalanche de critiques de la part des principaux responsables politiques de l’opposition qui dénoncent un conflit d’intérêts. Pour eux, cette réforme peut bénéficier aux sociétés d’assurance qui vendent des produits d’épargne retraite.
« Ce n’est pas anodin d’être administrateur d’un institut de formation des assureurs pendant que l’on travaille sur un projet de retraites », estime Eric Alt, vice-président d’Anticor, association de lutte contre la corruption. « Si la réforme venait à modifier le périmètre des retraites, la question du recours aux fonds de pension, pour les plus aisés, se poserait. Or en tant qu’administrateur de l’IFPASS, Jean-Paul Delevoye a des liens avec ce secteur, il est accessible au lobbyisme de ce monde des assureurs. Il était donc obligé de déclarer cette fonction à la HATVP ». Contacté par 20 Minutes, l’IFPASS n’a pas donné suite à nos sollicitations.
En octobre, le directeur général d’AG2R La Mondiale, une compagnie d’assurances, interrogé par le Journal du dimanche, approuvait la réforme des retraites et estimait qu’elle « ouvre des perspectives » pour les assureurs.
Comment Jean-Paul Delevoye a-t-il réagi ?
Interrogé par Le Parisien, l’intéressé a reconnu « une erreur » concernant cet oubli. « J’ai rempli moi-même cette déclaration. S’il y a incompatibilité, je vais rectifier cela et démissionner de ce mandat exercé de façon extrêmement faible », indiquait-il dans l’article publié dimanche. Ce qu’il a finalement fait ce lundi, « pour clore toute polémique », assure-t-il dans son communiqué.
La démission clôt-elle la polémique ?
Oui, pour la majorité, qui a fait bloc derrière le Haut-commissaire, au cinquième jour d’une grève nationale dans les transports, contre la réforme du gouvernement. « C’était important que cette clarification soit faite », a réagi auprès de 20 Minutes Aurore Bergé, députée des Yvelines et porte-parole de La République en marche.
Chez Anticor, on estime que la démission « ne change rien au fait qu’il a pendant plus de deux ans été administrateur de l’institut, alors qu’il planche sur le projet de réforme depuis juillet 2017 ».
En outre, la défense de Jean-Paul Delevoye peut alimenter d’autres critiques, sur son assiduité en tant qu’administrateur. « Depuis ma nomination en tant que Haut-Commissaire à la réforme des retraites en octobre 2017 puis Haut-Commissaire aux retraites en novembre 2019, je n’ai assisté qu’à trois conseils d’administration, ma dernière participation remontant au 4 décembre 2018 », écrit-il.
Que risque-t-il ?
Jean-Paul Delevoye était obligé de déclarer cette fonction, même bénévole. La loi prévoit jusqu’à trois ans d’emprisonnement et 45.000 euros d’amende en cas de manquement. La HATVP peut donc transmettre le dossier à la justice. Pour Eric Alt d’Anticor, il est toutefois « peu probable qu’il y ait une sanction pénale ».
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Tags : France, politique, gouvernement, ministre, Déclaration d’intérêts incomplète, oubli, Jean-Paul Delevoye, pose problème, ’administrateur bénévole, assurances
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