• De la diabolisation des femmes aux bûchers de sorcières

     
    L'’historien Robert Muchembled

    De la diabolisation des femmes aux bûchers de sorcières

    Dénoncée avec force à l’heure actuelle, une forme de haine du féminin sévit depuis des siècles. Elle a culminé avec les chasses aux sorcières des XVIe-XVIIe siècles. Retour sur les racines de l’antiféminisme avec l’historien Robert Muchembled.

     

    Propos recueillis par et Julie Klotz Publié aujourd’hui à 05h59, mis à jour à 11h48

     

     Article réservé aux abonnés

     

    Examen d’une sorcière pendant un procès, par Thomkins H. Matteson, 1853 (Collection du Peabody Essex Museum). Examen d’une sorcière pendant un procès, par Thomkins H. Matteson, 1853 (Collection du Peabody Essex Museum). WIKIPEDIA

    Au cours des siècles, l’Eglise impose l’idée que le démon est partout. Selon elle, les femmes en sont la proie la plus facile, car faibles et par essence pécheresses. De là à faire d’elles de dangereuses sorcières, il n’y a qu’un pas. Comment expliquer l’acharnement politique et religieux qui a conduit des centaines de milliers d’entre elles au bûcher ? L’historien Robert Muchembled décrit la montée en puissance de cette violente misogynie qui atteignit son paroxysme au XVIe et au XVIIe siècle.

    Vous mettez en avant dans vos travaux la profonde misogynie des sociétés européennes aux alentours de la Renaissance. Comment l’expliquer, alors que le Moyen Age avait été marqué par une certaine idéalisation de la femme, notamment à travers l’amour courtois ?

    Cette misogynie vient du fait que les femmes commencent à prendre de l’importance dans la société. Ainsi, la sœur de François Ier, Marguerite de Navarre, accède-t-elle à la célébrité en tant qu’écrivaine. Au temps de Catherine de Médicis, des centaines de jeunes femmes arrivent à la cour, qui était jusque-là extrêmement masculine. Les possibilités d’ascension sociale féminine se développent. Certaines savent lire et écrire, et représentent un danger pour la société patriarcale. Face à cette menace, la réponse masculine a été de « resserrer la vis ».

    Par ailleurs, la femme est considérée par les théologiens, et surtout par les médecins, comme un être dangereux, mauvais, entretenant une relation particulière avec le diable. Les médecins définissent le corps de la femme comme un danger pour l’homme : sa sexualité est dangereuse pour lui et risque de le tuer ! Dans le sillage de la médecine antique, les médecins affirment que les femmes sentent beaucoup plus mauvais que les hommes parce qu’elles sont froides et humides, alors que l’homme est chaud et sec.

    « Une femme libre est un danger »

    Au fil des siècles, l’Eglise a imposé l’idée que la femme est par essence pécheresse, à l’image d’Eve, même si l’institution développe en parallèle le culte marial. Mais la Vierge Marie, c’est la femme sans sexualité ! La théorie qui prévaut, c’est que la femme est tellement faible dans son corps et dans son âme qu’elle ne peut pas faire son salut toute seule. Elle doit être aidée par les hommes – mari, père, frère – et être mise en tutelle. Une femme libre est un danger.

    Le XVIIe siècle a vu le développement de cette puissante vague misogyne, qui s’est brisée au siècle suivant. L’époque des Lumières va reprendre le chemin déjà parcouru au début de la Renaissance : c’est le retour des femmes intellectuelles.

    Il vous reste 81.43% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

     

     

     

     

     

    « Le loup : un présumé coupableDu bûcher à #MeToo, la revanche des "sorcières" ? »
    Partager via Gmail

    Tags Tags : , , , , , , , , , , , , ,
  • Commentaires

    Aucun commentaire pour le moment

    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :